Tchad – L’opposition à l’épreuve du « jeudi noir »
Interdit de commémorer les morts des exactions armées du 20 octobre 2022, le contrepouvoir du régime de N’Djamena continue de subir les menaces et arrestations. Succès Masra le principal opposant du gouvernement serait-il la bête noire des autorités ?
Les militaires au pouvoir sont-ils prêts à promouvoir la démocratie et les libertés ? Dans l’impasse de se mouvoir en souvenir des citoyens tombés sous les balles l’an dernier lors des manifestations contre la gouvernance par l’armée, l’opposition tchadienne se résigne au silence malgré elle. Les actes d’intimidation et de filature, le déploiement des forces de l’ordre sur le terrain et les interdictions des rassemblements contraignent les opposants à se terrer. Un signe de la gestion autoritaire du pays et de la privation des droits.
Au premier rang des adversaires ciblés par le gouvernement, ‘’Les Transformateurs’’, parti politique de Succès Masra, paie le lourd tribut de son engagement. Ses militants subissent sans cesse arrestations, tortures et intimidation, à l’instar de destructions régulières de ses locaux.
Son leader en exil fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Après avoir reporté son retour au Tchad, le jeune opposant a annoncé sa présence sur le sol tchadien au début du mois de novembre.
Le musèlement de l’opposition paralyse le dialogue national, le processus de paix, la réconciliation et l’unité nationale. Alors que le référendum constitutionnel aura lieu le 17 décembre de l’année en cours, les divisions en interne menacent de bloquer l’initiative. L’opposition politique et les groupes armés opposés à N’Djamena refusent de prendre part au vote. Les deux camps exigent des autorités la libération de leurs membres incarcérés. Succès Masra et l’ensemble de l’opposition insistent pour le départ de l’armée du pouvoir et d’une gouvernance civile de l’État. Un point de divergence à l’origine des batailles actuelles. Selon la ligue tchadienne des droits de l’Homme, 218 morts ont été enregistrés lors de la répression du 20 octobre 2022 ; le gouvernement a dressé un bilan de 73 décès et l’opposition évoque 300 morts et 200 personnes introuvables.
Tchuisseu Lowé