Les trois leaders de l’AES, déterminés à aller jusqu’au bout de leur vision / Photo : Reuters
Le Niger, le Burkina Faso et le Mali réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont exclu samedi, lors de leur premier sommet à Niamey, la capitale nigérienne, toute idée de réintégrer la CEDEAO.
Les leaders des régimes militaires des trois pays ont donc fait savoir que leur décision de se retirer du bloc ouest-africain en janvier dernier, est irrévocable.
Ils ont également accusé la CEDEAO d’avoir failli à son mandat et se sont engagés à consolider leur union dans une Confédération des États du Sahel. La CEDEAO, vieille de près de 50 ans, est devenue « une menace pour nos États », a déclaré le président de la transition du Niger, le général Abdourahmane Tchiani.
« Nous allons créer une AES des peuples, au lieu d’une CEDEAO dont les directives et les instructions sont dictées par des puissances étrangères à l’Afrique », a ajouté le général Tchiani.
La réunion des trois pays frontaliers s’est tenue à la veille d’un sommet de la CEDEAO au Nigeria, au cours duquel d’autres chefs d’État de la région se sont réunis.
Plusieurs analystes estiment que ces deux réunions témoignent de la profonde division de la CEDEAO, qui s’est imposée comme l’autorité politique suprême pour ses 15 États membres avant la décision sans précédent des trois pays de se retirer de l’union.
Malgré les efforts de la CEDEAO pour maintenir son unité, l’alliance entre les trois pays dirigés par des juntes militaires restera très probablement en dehors du bloc régional alors que les tensions continuent de croître.
« Les tentatives de médiation se poursuivront probablement, notamment sous l’égide de la nouvelle administration sénégalaise, mais elles ne porteront pas leurs fruits de sitôt », pense un analyste politique.
Formée en septembre de l’année dernière, l’Alliance des États du Sahel a été présentée par les trois pays comme un outil leur permettant de rechercher de nouveaux partenariats avec des pays tels que la Russie et de consolider leur indépendance vis-à-vis de l’ancien dirigeant colonial, la France, qu’ils accusent d’interférer avec la CEDEAO.
Lors de la réunion de Niamey, le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a réaffirmé ces préoccupations et accusé les pays étrangers d’exploiter l’Afrique. « Les Occidentaux considèrent que nous leur appartenons et que nos richesses leur appartiennent aussi. Ils pensent que c’est à eux de continuer à nous dire ce qui est bon pour nos Etats. Cette époque est révolue à jamais ; nos ressources resteront pour nous et nos populations », a clamé le capitaine Ibrahim Traoré.
« L’attaque contre l’un d’entre nous sera une attaque contre tous les autres membres », a annoncé pour sa part, le président de la transition du Mali, le colonel Assimi Goïta.
Au cours d’une réunion des ministres régionaux jeudi, Omar Alieu Touray, le président de la Commission de la CEDEAO, a déclaré que l’organisation n’avait pas reçu « les bons signaux » concernant un éventuel retour des trois États, malgré la levée des sanctions liées au coup d’État qu’ils accusaient d’avoir provoqué leur départ.
« Assimi Goita a été nommée président de l’Alliance des États du Sahel pour un mandat d’un an », a révélé AES Info sur le réseau X.
Malgré cette intransigeance affichée par ces trois pays vis à vis de la CEDEAO, certains observateurs continuent de penser que leur volonté de se séparer de l’Union sous-régionale ne peut être définitive. C’est le cas de Fatou Diagne Senghor, défenseure gambienne des droits humains. Pour elle, cette décision n’est rien d’autre qu’une fuite en avant.
» C’est un acte très inquiétant pour les populations de ces pays qui va sans doute éloigner davantage ces trois pays d’un retour prochain à la démocratie électorale. Comme vous le savez depuis les putschs, ils n’ont fait que différer l’agenda électoral, mais aussi avec son lot de violations graves des droits humains. Vous avez vu ce qui se passe au Burkina ? Donc, je pense que c’est vraiment un agenda qui va davantage renforcer l’impunité et les violations des droits humains. Mais tout cela, c’est vraiment aussi pour leurrer « , a-t-elle confié au micro d’une radio internationale lors du sommet de la CEDEAO à Abuja, dimanche.
Thom Biakpa