Un aperçu des populations ayant fui la guerre au Soudan / Photo: Œil d’Afrique
Depuis le 15 avril 2023, Khartoum, la capitale du Soudan, est plongée dans un conflit dévastateur entre les Forces armées soudanaises dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, sous le commandement du général Mohamed Hamdan Dagalo, surnommé Hemedti. Selon les estimations de l’ONU, le nombre de morts pourrait atteindre 25 000, mais des sources indiquent que le bilan total des victimes civiles dans tout le pays pourrait dépasser les 150 000, en tenant compte des bombardements, des massacres, ainsi que des décès dus à la famine et aux maladies. La situation est si chaotique qu’il est difficile d’obtenir des statistiques fiables.
Les cimetières de Khartoum sont saturés, et des fosses communes ont été creusées pour faire face à l’afflux incessant de corps. Des hommes armés de pioches s’affairent à enterrer les victimes, comme Oussama, qui a perdu son voisin, un menuisier tué par un obus tombé sur son lit. « C’était un matin tragique. Au moins sept obus ont frappé notre quartier, blessant des enfants et des femmes. Mon voisin a été tué dans son sommeil, et nous avons dû ramasser son corps morceau par morceau », raconte-t-il, la voix chargée d’émotion.
Les funérailles se succèdent à un rythme effréné. Abdeen Dirma, le doyen des fossoyeurs, témoigne de l’ampleur de la tragédie : « Nous n’avons plus de place dans le cimetière. Nous creusons maintenant sur des terrains vagues. Les jeunes qui jouaient au football ici voient désormais leur terrain couvert de tombes. Chaque jour, nous enterrons entre 15 et 30 personnes. Nous ne dormons plus, le jour comme la nuit. »
En raison des combats, de nombreux corps ne sont pas transportés à l’hôpital ou à la morgue. « Les morts sont enterrés là où ils tombent, souvent à la hâte, pour éviter la propagation de maladies », explique un habitant. Les rues, les maisons, tout est devenu un lieu de recueillement tragique, rempli de corps.
À l’extérieur des cimetières, des familles attendent leur tour, tandis que les combatscontinuent de faire rage pour le contrôle de la ville. Les destructions sont immenses, et ce qui était autrefois le cœur vibrant de Khartoum est désormais un paysage de désolation. Le grand marché d’Omdurman, autrefois animé, est devenu un désert de tôles calcinées. Près de la moitié des 8 millions d’habitants de Khartoum ont fui, laissant derrière eux une ville fantôme.
La guerre urbaine qui se déroule actuellement à Khartoum est sans précédent. Les tirs d’artillerie sont quotidiens, touchant principalement des habitations, des terrains de sport et même des hôpitaux. Les pertes civiles s’accumulent, et les cimetières débordent. Aujourd’hui, plus que jamais, les gens meurent également de faim et de maladies, exacerbées par le conflit.
Depuis le 26 septembre, l’armée régulière a lancé une contre-offensive significative dans la capitale, avançant lentement mais sûrement dans le centre-ville. Les civils fuient massivement les zones contrôlées par les paramilitaires, fuyant les exactions et les violences perpétrées par Hemedti et ses hommes. En parallèle, l’armée intensifie ses frappes aériennes pour regagner du terrain, causant des destructions considérables.
Le rapport de force reste incertain, et le Soudan est presque divisé en deux. Les Forces de soutien rapide maintiennent leur emprise sur le Darfour, où se joue actuellement une bataille cruciale. Si la ville d’el-Fasher tombe, les FSR pourraient établir un contrôle quasi total sur un territoire aussi vaste que la France. La situation demeure donc extrêmement préoccupante, tant sur le plan humanitaire que militaire.
Thom Biakpa