Le Président Bassirou Diomaye Faye, souffle sa première bougie à la tête de l’État sénégalais/ AFP
Il y a un an, Bassirou Diomaye Faye prenait les rênes du Sénégal, ayant remporté l’élection présidentielle du 24 mars 2024 avec 54,28 % des voix. Désigné par Ousmane Sonko, leader du parti Pastef, Faye s’est engagé à transformer un pays confronté à des défis politiques, économiques et sécuritaires majeurs. Bien que des progrès notables aient été réalisés dans des domaines clés tels que l’énergie et l’accès à l’eau, des obstacles importants subsistent pour réaliser la vision de transformation qu’il avait promise durant sa campagne.
Un bilan contrasté
Au terme de cette première année, le bilan de Faye met en lumière des réformes institutionnelles significatives, des avancées dans le secteur énergétique, un renforcement de l’intégration régionale, ainsi que des initiatives concrètes dans le domaine de l’hydraulique. Cependant, les défis économiques et sociaux demeurent pressants.
Parcours et accession au pouvoir
Né en 1980 à Ndiaganiao, Bassirou Diomaye Faye est un juriste diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature. Sa carrière débute aux Impôts et Domaines, où il croise le chemin d’Ousmane Sonko, avec qui il fonde un syndicat, marquant le début de son engagement politique au sein du Pastef, créé en 2014. Après avoir été incarcéré en mai 2023 pour avoir critiqué la magistrature, il est choisi par Sonko comme candidat à la présidence suite à l’invalidation de la candidature de ce dernier. Le 24 mars 2024, il remporte l’élection dès le premier tour, devançant Amadou Ba, le candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Mesures économiques et sociales
Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Faye a mis en œuvre des mesures sociales concrètes. Le 13 juin 2024, des baisses significatives des prix des denrées de première nécessité ont été annoncées : le kilogramme de sucre est passé de 650 à 600 francs CFA, le prix du riz brisé non parfumé a été réduit de 40 francs CFA, et le litre d’huile raffinée a diminué de 100 francs. Ces mesures visent à alléger le fardeau économique des populations et à concrétiser les engagements pris durant la campagne électorale.
Développement du secteur énergétique
Un des moments marquants de cette première année a été l’entrée du Sénégal dans le cercle des pays producteurs de pétrole. Le 11 juin 2024, les premières gouttes de pétrole ont été extraites du champ offshore Sangomar, au large de Dakar. Ce projet, géré par l’entreprise australienne Woodside, a produit 2,70 millions de barils de pétrole brut en février 2025, dont une partie a été destinée au marché local. Parallèlement, le secteur gazier a également connu des avancées avec l’ouverture officielle du premier puits de gaz naturel du projet Grand Tortue Ahmeyim le 31 décembre 2024, un gisement transfrontalier développé en collaboration avec la Mauritanie.
Réformes institutionnelles et lutte contre la corruption
La lutte contre la corruption, un engagement central du Pastef, a été renforcée par l’activation du Pool judiciaire financier (PJF) le 10 août 2024. Cette nouvelle structure remplace la controversée Cour de répression de l’enrichissement illicite. Selon un communiqué de la Primature, le PJF a traité 91 dossiers, dont 87 ont été transmis aux juges d’instruction, entraînant 162 arrestations et la saisie de plus de 2,5 milliards de francs CFA.
Faye, ayant lui-même connu l’incarcération pour critique de la magistrature, a initié un processus de réforme judiciaire ambitieux. Le 28 mai 2024, il a présidé l’ouverture d’un dialogue national sur la réforme de la justice à Diamniadio, soulignant qu’il ne s’agissait pas d’un « procès en inquisition », mais d’un « débat lucide et serein » pour améliorer le système judiciaire. Ce dialogue inclusif a abouti à des recommandations majeures, telles que la limitation des pouvoirs du procureur de la République et la transformation du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle.
Accès à l’eau potable
L’accès à l’eau potable est devenu une priorité essentielle de la politique sociale du gouvernement. Plusieurs projets d’envergure ont été lancés dans des régions comme Kolda, Saint-Louis, Richard-Toll et Foundiougne. En milieu rural, deux projets phares ont vu le jour : la deuxième phase du projet d’accès à l’eau potable, qui prévoit la construction de 101 forages et 89 châteaux d’eau, et le projet PROMOREN à Koungheul, visant à mobiliser 46,6 millions de m³ d’eau douce par an.
Relations diplomatiques et politique régionale
La politique étrangère de Faye se distingue par une approche de « bon voisinage » et un engagement panafricain. Dès le 18 avril 2024, il a effectué ses premières visites d’État en Mauritanie et en Gambie. Lors du Forum de Doha en décembre 2024, il a plaidé pour la stabilité régionale dans un contexte marqué par les crises au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
Planification stratégique à long terme
Un moment clé de cette première année a été le lancement, le 14 octobre 2024, du plan « Sénégal 2050 : Agenda National de Transformation ». Cette feuille de route ambitieuse vise à faire du Sénégal une nation « souveraine, juste et prospère », avec des objectifs tels que tripler le revenu par habitant d’ici 2050 et maintenir une croissance annuelle de 6 à 7 %. Uneambition quelque peu freinée par des comptes hérités de l’administration précédente, dans le rouge avec une dette publique abyssale qui s’élève à près de 100 % du PIB. Alors que les analystes financiers posent la question du défaut de paiement, cette situation budgétaire a pris les autorités de court.
Une opposition en reconstruction
Face aux réformes engagées, l’opposition s’organise. Le 9 février 2025, le Front pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR) a été créé, regroupant plusieurs partis, dont Taxawu Sénégal de Khalifa Sall et l’ARC d’Anta Babacar Ngom. Dans une déclaration, les membres du FDR dénoncent les dérives du régime et annoncent des actions pour défendre les libertés démocratiques et la transparence électorale.
Malgré les avancées réalisées, des défis majeurs persistent. La réforme monétaire, qui vise à questionner l’appartenance à la zone Franc CFA, reste en suspens. La mise en œuvre des réformes judiciaires nécessite des ressources considérables, et les attentes sociales concernant l’emploi des jeunes et l’amélioration des conditions de vie demeurent élevées.
À l’aube de sa deuxième année de mandat, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye est confronté à la tâche exigeante de transformer ces premières initiatives en changements structurels durables, tout en répondant aux attentes pressantes d’une population qui espère bénéficier rapidement des fruits de cette alternance politique historique de mars 2024.
Thom Biakpa