Une coalition de partis politiques craignant leur dissolution par les autorités militaires maliennes à exprimé son ras-le-bol lors d’une manifestation à Bamako, le 3 mai 2025/ AFP
Le 3 mai 2025, un meeting des partis politiques à Bamako a été empêché par des soutiens de la transition et par la police, donnant lieu à une contestation inédite au Mali. Des centaines de Maliens, rassemblés devant le Palais de la Culture dont l’accès leur était interdit, ont exprimé leur ras-le-bol face à la transition en cours, rejeté le projet de dissolution des partis politiques, refusé le maintien des militaires au pouvoir et réclamé des élections. Cet événement soulève des questions cruciales sur l’avenir de la contestation et ses potentielles répercussions.
Malgré l’interdiction, le meeting a été perçu comme un succès incontestable, marquant des scènes de contestation jamais vues depuis le début de la transition il y a cinq ans. Ni la présidence ni le gouvernement de transition n’ont commenté officiellement ces événements, et les médias d’État, tels que le journal L’Essor et la télévision ORTM, ont traité l’incident de manière minimale, mettant l’accent sur le rôle « responsable » des forces de l’ordre. Cependant, cette expression populaire semble avoir ouvert une brèche pour les opposants au régime de transition, soulevant la question de qui pourrait s’y engouffrer et dans quelle mesure.
Étendre le mouvement et élargir les alliances
Les partis politiques maliens cherchent désormais à capitaliser sur cette dynamique et à élargir le mouvement. Une réunion des dirigeants est prévue pour déterminer les prochaines étapes. Selon des sources politiques, des procédures judiciaires pourraient être envisagées contre les soutiens mobilisés par les autorités de transition, y compris des membres du Conseil National de Transition (CNT), qui ont empêché la tenue du meeting, parfois avec des appels à la violence. Des constats d’huissiers ont été réalisés pour documenter ces événements.
Les partis politiques envisagent également de mobiliser leurs antennes en région. Un leader de parti a exprimé sa conviction que « si on étend le mouvement à l’intérieur du pays, ce sera inarrêtable ». Une autre démarche consiste à rencontrer des organisations religieuses, telles que le Haut Conseil islamique et l’Église, ainsi que des légitimités traditionnelles, comme les familles fondatrices de Bamako, et surtout les syndicats.
Pour que la contestation ne s’essouffle pas, il est crucial de rallier d’autres acteurs que les seules organisations politiques. La centrale syndicale UNTM, qui avait joué un rôle clé dans le renversement de la dictature du général Moussa Traoré en 1991, pourrait être un allié stratégique, bien que son positionnement actuel vis-à-vis des militaires au pouvoir soit plus ambigu.
Le risque de répression
Cependant, le risque de répression pèse sur cette dynamique de contestation. La police a évacué le Palais de la Culture, invoquant la nécessité de « préserver l’ordre public et la quiétude », ce qui a conduit les partis à annuler leur meeting et à renoncer à la lecture de leur déclaration commune pour éviter d’éventuels affrontements. Les autorités de transition sont également connues pour utiliser des accusations de « déstabilisation », de « complot » ou d’« atteinte au crédit de l’État » pour faire taire les voix critiques, comme en témoignent de nombreux exemples récents.
Un leader politique engagé dans la mobilisation a souligné l’importance de rester dans une démarche légaliste pour éviter des erreurs qui pourraient nuire au mouvement. « Ils feront tout pour casser le mouvement, c’est pour eux une question de survie », a-t-il déclaré, tout en affirmant que la mobilisation continuerait avec prudence et détermination.
La contestation qui a émergé lors de cet événement du 3 mai 2025 pourrait marquer un tournant dans la dynamique politique du Mali. Si les partis politiques parviennent à élargir leur base de soutien et à mobiliser d’autres acteurs, la contestation pourrait prendre de l’ampleur. Cependant, le risque de répression demeure une réalité à prendre en compte, et la manière dont les opposants navigueront dans ce contexte déterminera l’avenir de leur mouvement.
Thom Biakpa