Le mouvement rebelle M23 poursuit son ancrage dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Le groupe, accusé d’être soutenu par le Rwanda, a annoncé le recrutement de près de 400 magistrats pour administrer la justice dans les territoires qu’il contrôle, suscitant l’inquiétude de Kinshasa et de la communauté internationale.
Un appareil judiciaire en construction
Dans un communiqué publié lundi, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, a indiqué que 378 candidats avaient été retenus à l’issue d’un test organisé par une « commission de relance de la justice ». Selon Délion Kimbulungu, président de cette commission, les lauréats seront bientôt intégrés au « système judiciaire de l’administration du M23 », une structure parallèle que le groupe présente comme une étape vers la « reconstruction institutionnelle » des territoires qu’il occupe.
Le M23, qui contrôle désormais plusieurs zones de l’Est congolais, affirme vouloir « rétablir l’ordre et la justice » dans les régions où l’État est absent. Mais pour Kinshasa, cette initiative marque un nouveau défi à son autorité et illustre la montée en puissance d’une administration rebelle de plus en plus organisée.
Une gouvernance rebelle consolidée
Depuis la prise de Goma et de Bukavu au début de l’année, le M23 ne cesse d’étendre son influence. L’armée congolaise, la police et les fonctionnaires ont été contraints de quitter ces zones, laissant la place à une structure de gouvernance parallèle. Le mouvement s’est doté de forces de sécurité, d’organes civils et désormais d’un appareil judiciaire.
Les Nations unies et plusieurs ONG dénoncent cependant un pouvoir imposé par la force, accompagné d’exactions, de déplacements massifs de populations et de violations des droits humains. Jusqu’à présent, le M23 fonctionnait sans véritable cadre légal, s’appuyant sur des tribunaux improvisés et des milices internes pour régler les différends.
Des accords de paix fragilisés
Cette évolution intervient dans un contexte diplomatique déjà tendu. Les accords de paix conclus entre la RDC et le Rwanda peinent toujours à être appliqués. Après un premier accord signé à Washington en juin, une déclaration de cessez-le-feu permanent avait été adoptée en juillet à Doha. Mais sur le terrain, les affrontements n’ont jamais cessé, chaque camp s’accusant mutuellement de violer la trêve.
Le président congolais Félix Tshisekedi a annoncé dimanche la reprise prochaine des discussions à Doha, suivie d’une rencontre à Washington avec son homologue rwandais Paul Kagame, sous la médiation du président américain Donald Trump. Objectif : tenter d’« entériner les deux accords » et de relancer un processus de paix aujourd’hui au bord de l’effondrement.
Une paix toujours hors de portée
Alors que le M23 renforce son emprise territoriale et institutionnelle, Kinshasa dénonce la création d’un État de fait dans l’Est du pays. La mise en place d’un appareil judiciaire par un groupe armé apparaît comme un tournant inquiétant, révélant la profondeur de la crise de souveraineté qui mine la RDC depuis des décennies.
Malgré les médiations internationales et les promesses d’un cessez-le-feu durable, la paix reste fragile, tandis que la population, elle, continue de payer le prix du chaos.




