Quinze ans après les violences meurtrières du stade de Conakry, la justice guinéenne continue de remonter la chaîne des responsabilités. Jeudi 18 décembre, le tribunal criminel de Dixinn, siégeant exceptionnellement à la cour d’appel de Conakry, a vu comparaître de nouveaux officiers de l’armée dans le cadre du dossier du massacre du 28 septembre 2009.
Ils sont sept, officiers et sous-officiers, à être désormais visés par des poursuites judiciaires après avoir pourtant bénéficié, par le passé, d’un non-lieu. La relance de la procédure fait suite à de nouvelles dénonciations, notamment celles de l’ex-aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara, Toumba Diakité, condamné en juillet 2024 à dix ans de prison pour son rôle dans les événements.
Depuis novembre 2022, ces militaires sont poursuivis pour une série d’accusations lourdes : meurtres, assassinats, viols, enlèvements, actes de torture, abus d’autorité, entrave aux secours et complicité. Les faits reprochés s’inscrivent dans le cadre des violences commises contre des manifestants réunis au stade du 28 septembre, le 28 septembre 2009.
Au centre de cette nouvelle audience figure le colonel de gendarmerie Bienvenu Lamah. Ancien maître instructeur, il a été le premier à être entendu par la cour. Sa défense rejette catégoriquement toute implication. Pour son avocat, Me Zézé Kalivogui, les accusations sont infondées et ne reposent sur aucun élément crédible. Il affirme que son client n’a joué aucun rôle dans les exactions et plaide pour un acquittement pur et simple.
Une version vigoureusement contestée par les avocats des victimes. Selon Me Alfa Amadou DS Bah, le colonel Lamah occupait un poste stratégique au camp militaire de Kaléah, d’où seraient partis environ trois cents jeunes soldats déployés au stade. L’avocat soutient que l’accusé aurait personnellement participé à l’organisation de l’opération, notamment en procédant à la lecture de la liste des recrues mobilisées.
Trois des accusés, parmi lesquels le colonel Gono Sangaré, ancien proche de l’ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara, sont actuellement en fuite. Ils seront jugés par contumace.
À l’issue de cette audience, le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire au 12 janvier 2026, prolongeant ainsi un feuilleton judiciaire suivi de près par les familles des victimes et les organisations de défense des droits humains.
Pour mémoire, le procès historique conclu le 31 juillet 2024 avait abouti à la condamnation de huit responsables militaires pour crimes contre l’humanité. Parmi eux figurait Moussa Dadis Camara, condamné à vingt ans de prison avant d’être gracié par le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, une décision qui avait suscité de vives réactions en Guinée et à l’international.
Avec ces nouvelles poursuites, la justice guinéenne affirme sa volonté de poursuivre l’examen des responsabilités, malgré le temps écoulé et les obstacles politiques et judiciaires.
Thom Biakpa




