À l’approche du scrutin présidentiel de dimanche, la Guinée s’enfonce dans une atmosphère lourde de scepticisme et de résignation. Jeudi, les candidats ont officiellement refermé une campagne électorale courte, tendue et profondément déséquilibrée, dominée de bout en bout par la figure du général Mamadi Doumbouya, chef du régime issu du coup d’État de 2021.
Doumbouya, candidat silencieux mais omniprésent
À Conakry, le favori incontesté n’a pas prononcé de discours pour conclure sa campagne. Devant plusieurs centaines de partisans réunis sous haute surveillance sécuritaire, le général de 41 ans s’est contenté d’apparaître, de danser et de saluer la foule. Une mise en scène symbolique, à l’image d’une candidature qui repose davantage sur l’appareil de l’État et l’autorité militaire que sur un programme débattu publiquement.
Son Premier ministre et directeur de campagne, Amadou Oury Bah, a toutefois donné le ton plus tôt dans la journée, appelant les électeurs à une mobilisation massive afin de doter le pays d’un « mandat constitutionnel ». Un message qui vise à légitimer, par les urnes, un pouvoir exercé depuis plus de quatre ans sans élection nationale.
Une compétition électorale vidée de sa substance
Officiellement, neuf candidats briguent la magistrature suprême. Dans les faits, l’élection se déroule sans opposition structurée. Plusieurs figures emblématiques de la scène politique ont été écartées du processus, tandis que des partis et organisations ont choisi le boycott, dénonçant un scrutin verrouillé.
Les candidats restants, peu connus du grand public, peinent à exister face à l’appareil étatique mobilisé autour du général Doumbouya. Abdoulaye Yéro Baldé, du Front démocratique de Guinée, a tenté de faire entendre une voix alternative lors d’un meeting à Conakry, appelant les électeurs à réfléchir à l’avenir du pays après des décennies d’indépendance. Un message isolé dans une campagne largement dominée par l’évidence d’un résultat annoncé.
Libertés publiques en recul et climat de peur
Derrière la mécanique électorale, le contexte politique demeure profondément préoccupant. Arrestations d’opposants, poursuites judiciaires, exils forcés et restrictions des libertés publiques jalonnent le bilan du régime de transition. La disparition, depuis juillet 2024, de deux figures de la société civile, Oumar Sylla dit Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, continue d’alimenter les inquiétudes et les accusations contre les autorités.
Dans ce climat, l’appel au vote se heurte à une méfiance diffuse, nourrie par la crainte de représailles et par le sentiment d’une consultation sans réel enjeu démocratique.
Le poids du social dans un pays riche mais pauvre
Dimanche, près de 6,8 millions d’électeurs sont théoriquement attendus dans les bureaux de vote. Pourtant, au-delà des considérations politiques, c’est la situation sociale qui domine les préoccupations quotidiennes. Malgré ses vastes ressources minières, notamment en bauxite, la Guinée reste confrontée à une pauvreté massive : plus d’un Guinéen sur deux vivait sous le seuil de pauvreté en 2024, selon la Banque mondiale.
Dans ce contexte, la présidentielle apparaît moins comme un moment de choix collectif que comme une formalité politique, censée clore une transition militaire controversée. Reste à savoir si ce scrutin, très attendu à l’international, suffira à réconcilier pouvoir et population, ou s’il ouvrira un nouveau chapitre de contestation silencieuse.
Thom Biakpa




