Macron et Biya, lors d’une rencontre à l’Elysée à Paris/ AFP
Mardi 12 août 2025, Emmanuel Macron a fait un geste historique en adressant une lettre à Paul Biya, le président camerounais, dans laquelle il admet que la France a conduit une guerre au Cameroun, tant durant la période précédant que suivant l’indépendance du pays. Cette reconnaissance officielle, sans précédent à ce niveau, fait suite aux travaux d’une commission d’historiens franco-camerounaise mise en place en 2022.
La commission, qui regroupe des chercheurs des deux nations, a présenté en janvier 2025 un rapport exhaustif de plus de 1 000 pages. Ce document met en lumière les violences perpétrées entre 1945 et 1971, période durant laquelle les forces françaises ont mené des opérations militaires contre les mouvements indépendantistes camerounais. Le rapport fait état de déplacements forcés, d’internements dans des camps, ainsi que du soutien apporté à des milices locales engagées dans la répression des mouvements d’émancipation.
Dans sa lettre, Macron mentionne explicitement plusieurs figures emblématiques de la lutte pour l’indépendance, telles que Ruben Um Nyobè, Paul Momo, Isaac Nyobè Pandjock et Jérémie Ndéléné, tous décédés entre 1958 et 1960 lors d’opérations militaires sous commandement français. Cette acknowledgement souligne le rôle direct de la France dans la suppression de ces leaders.
Accès aux archives et efforts de mémoire partagée
Le président français a également promis d’ouvrir davantage les archives relatives à cette période et de soutenir la recherche académique sur le sujet. Un groupe de travail bilatéral sera créé pour mettre en œuvre les recommandations de la commission, dans le but de favoriser une meilleure compréhension de cette époque complexe. Ce tournant intervient alors que les débats sur la mémoire coloniale se multiplient, tant en Afrique qu’en Europe. Pour le Cameroun, cette reconnaissance pourrait représenter un pas significatif vers une clarification historique longtemps attendue.
Pour la France, elle s’inscrit dans une série d’initiatives visant à réévaluer ses relations avec ses anciennes colonies, tout en maintenant ouvertes les discussions sur de potentielles réparations ou compensations.
Bien que cette reconnaissance se limite à un constat factuel, le geste présidentiel pourrait engendrer de nouveaux dialogues autour de la mémoire partagée et des responsabilités historiques entre la France et le Cameroun, deux pays liés par un passé complexe et souvent douloureux.
Thom Biakpa