Le bras de fer politique se durcit en Côte d’Ivoire. Soumaïla Bredoumy, député et porte-parole du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a été placé sous mandat de dépôt jeudi 27 novembre au Pôle pénitentiaire d’Abidjan. Une décision qui intervient alors que le pays traverse une période post-électorale sous haute tension, marquée par des arrestations en série dans les rangs de l’opposition.
Selon ses avocats, l’opposant fait face à 18 chefs d’inculpation particulièrement graves, allant des “actes terroristes” à “l’assassinat”, en passant par “le complot contre l’autorité de l’État”, “l’atteinte à l’ordre public” ou encore “l’atteinte aux opérations électorales”. Revenu récemment d’un séjour à l’étranger, il avait été placé en garde à vue la veille. Ses conseils affirment ne toujours pas connaître les faits précis qui lui sont reprochés et assurent que leur client “ne reconnaît aucun des motifs évoqués”. Ils précisent toutefois avoir obtenu des conditions de détention aménagées, conformément à son statut de député.
Une arrestation qui cristallise les tensions politiques
L’écrouement de Soumaïla Bredoumy s’inscrit dans une série d’interpellations visant des membres de l’opposition depuis le début d’une année marquée par de multiples rendez-vous électoraux. Si plusieurs dizaines de militants ont été arrêtés ces derniers mois, peu de responsables de premier plan avaient jusqu’ici été inculpés pour des charges aussi lourdes.
Le PDCI a immédiatement dénoncé une décision “illégale” et “arbitraire”, y voyant “une stratégie d’intimidation” dirigée contre les voix dissidentes. Le parti a exigé la “libération immédiate” de son porte-parole, estimant que ce type de poursuites risque d’envenimer davantage un climat politique déjà fragile.
La situation reste tendue depuis la présidentielle du 25 octobre, remportée par le président sortant Alassane Ouattara. Malgré un scrutin présenté comme globalement calme par les autorités, au moins onze personnes ont perdu la vie, et des dizaines de militants de l’opposition ont été arrêtés au cours des semaines suivantes.
La répression judiciaire s’est intensifiée, avec plus d’une centaine de manifestants condamnés à trois ans de prison ferme pour avoir protesté contre la possibilité d’un quatrième mandat présidentiel. Le gouvernement affirme pour sa part que les procédures engagées respectent les normes légales et ne ciblent pas les opposants en raison de leur affiliation politique.
Pourtant, l’opposition souligne que plusieurs de ses figures, dont Damana Pickass, secrétaire général du PPA-CI, ont récemment été incarcérées sous des charges similaires, renforçant ses accusations d’une justice instrumentalisée.
Libertés publiques restreintes
Dans ce climat déjà inflammable, la décision du Conseil national de sécurité de prolonger jusqu’en janvier l’interdiction des manifestations politiques, à l’exception de celles directement liées au processus électoral, est perçue par de nombreux observateurs comme un nouveau signal d’inquiétude. Cette mesure alimente les critiques sur l’état des libertés publiques, dans un pays où chaque période électorale ravive des fractures anciennes.
Un signal politique majeur
Au-delà du cas individuel de Soumaïla Bredoumy, cette affaire est largement interprétée comme un test pour la résilience démocratique ivoirienne. Elle met en lumière une opposition sous pression, un pouvoir soucieux de maintenir le contrôle sécuritaire du processus électoral et un climat social où les tensions sont loin d’être apaisées.
L’inculpation spectaculaire du porte-parole du PDCI marque ainsi un tournant symbolique : celui d’une scène politique où la confrontation institutionnelle semble céder la place à une judiciarisation conflictuelle des rivalités, à la veille d’échéances législatives cruciales pour l’équilibre du pays.
Thom Biakpa




