Des manifestants contre le » 4è mandat » du président sortant, Alassane Ouattara à Abidjan / AFP
À quelques jours d’une élection présidentielle sous haute tension, la Côte d’Ivoire fait face à une vague de répression qui inquiète la société civile et les défenseurs des droits humains. Jeudi 16 octobre, 26 personnes ont été condamnées à 36 mois de prison ferme par les tribunaux d’Abidjan et de Dabou, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale économique. Les charges retenues ? Participation à des manifestations interdites et troubles à l’ordre public.
Des condamnations controversées
Sur les 32 prévenus jugés ce jour-là, deux ont écopé de peines avec sursis, et quatre ont été relaxés. Selon Me Roselyne Serikpa, l’une des avocates des accusés, plusieurs des personnes condamnées n’auraient pourtant joué aucun rôle actif dans les protestations.
« Pour la plupart, elles se sont simplement retrouvées au mauvais endroit au mauvais moment. Certaines se rendaient à leur lieu de travail, une autre faisait du jogging, une autre encore allait à une messe », a-t-elle confié.
Le verdict a été prononcé dans un contexte de fortes tensions politiques, alors que les manifestations sont officiellement interdites depuis que le Conseil constitutionnel a invalidé plusieurs candidatures majeures à la présidentielle.
Une opposition muselée
Parmi les 105 autres personnes encore en détention, plusieurs seront jugées les semaines à venir à Abidjan. Ces interpellations massives s’inscrivent dans un climat de durcissement du pouvoir en place. Le président sortant, Alassane Ouattara, brigue un quatrième mandat très contesté. Face à lui, seuls quatre candidats d’opposition ont été validés : Jean-Louis Billon, Simone Ehivet Gbagbo, Ahoua Don Mello et Henriette Lagou.
Les candidatures de deux poids lourds de l’opposition, l’ex-président Laurent Gbagbo et l’ex-PDG de Crédit Suisse Tidjane Thiam, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel. Toute contestation publique de cette décision est désormais proscrite.
Une répression sous haute surveillance
Malgré les interdictions, des manifestations ont tout de même eu lieu dans plusieurs villes, notamment à Abidjan et dans certaines localités de l’intérieur du pays. Le parquet affirme que plus de 700 personnes ont été arrêtées à travers le territoire. Selon le procureur Oumar Braman Koné, l’analyse des téléphones de certains interpellés aurait révélé des appels à la violence et au sabotage d’institutions publiques. Des faits qu’il n’hésite pas à qualifier d’« actes de terrorisme ».
Mais les ONG dénoncent une criminalisation de la contestation. Amnesty International a vivement critiqué cette répression, appelant les autorités ivoiriennes à respecter le droit de manifester pacifiquement.
Des morts et une inquiétude croissante
La tension sur le terrain reste vive. Lors des récentes manifestations, un homme a été tué par balle à Bonoua (sud du pays), selon les forces de l’ordre. L’opposition, de son côté, évoque un bilan de deux à trois morts. Les craintes d’un engrenage de violences politiques sont vives, ravivant le douloureux souvenir des crises post-électorales passées.
Thom Biakpa