L’armée française est priée de lever le camp dans plusieurs pays africains/ AFP
La présence militaire française en Afrique, qui a longtemps été un sujet de débat et decontroverse, est en train de connaître un tournant significatif. Pour le seul mois de décembre 2024, les gouvernements de plusieurs pays africains, dont le Tchad, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, ont annoncé le retrait des forces françaises stationnées sur leur sol. Cette décision marque une étape importante dans les relations entre la France et ses anciennes colonies, ainsi qu’une réévaluation des partenariats militaires en Afrique.
Le départ des forces françaises est souvent perçu comme une réponse aux appels croissants à la souveraineté nationale et à la fin de ce que certains considèrent comme une néocolonisation. Dans plusieurs pays, des manifestations ont eu lieu pour exiger la fin de la présence militaire française, accusée d’interférer dans les affaires internes et de ne pas toujours respecter les intérêts locaux.
Au Tchad, où la France a maintenu une présence militaire pour lutter contre le terrorisme et soutenir les forces armées locales, le gouvernement a annoncé un calendrier de retrait progressif. Les autorités tchadiennes affirment que ce retrait s’inscrit dans une volonté de renforcer l’autonomie des forces de sécurité nationales.
Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye lors du traditionnel discours à la nation à la veille du nouvel an, a également confirmé le départ des troupes françaises, soulignant l’importance de développer des capacités militaires locales. Le Sénégal, qui a traditionnellement été un allié de la France, semble vouloir redéfinir ses relations militaires en faveur d’une coopération plus équilibrée avec zéro présence militaire étrangère.
Idem pour la Côte d’Ivoire, où le chef de l’État, Alassane Ouattara, a annoncé dans son allocution de nouvel an, mardi soir sur les antennes de la télévision nationale, que d’ici fin Janvier, le drapeau ivoirien sera hissé sur la base militaire française de Port-Bouët commune au sud d’Abidjan (le 43è Bima). Alassane Ouattara a donc indiqué la rétrocession du camp militaire français d’Abidjan d’ici la fin du mois. La base passera sous commandement ivoirien, et sera rebaptisée « Général Ouattara Thomas d’Aquin », en hommage au premier chef d’état-major de l’armée du pays.
De façon plus concrète, il s’agit d’une réduction considérable du nombre de militaires français en Côte d’Ivoire décidée de manière concertée avec le gouvernement français. Ils vont passer d’environ 400 à une centaine et finalement le camp sera commandé par l’armée ivoirienne. Mais ce sont des questions qui sont débattues depuis pratiquement deux ans. L’idée, c’est donc d’abandonner le principe de l’intervention pour se concentrer sur les questions de formation, d’entraînement et d’équipement.
Ainsi, en plus du Mali, du Burkina Faso et du Niger, qui ont choisi d’expulser l’armée française de leur territoire, le Tchad, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont également réussi à obtenir le retrait des forces militaires françaises, chacun selon sa propre approche.
Des enjeux politiques, économiques et sécuritaires qui méritent d’être analysés
La présence militaire française en Afrique remonte à l’époque coloniale et a été justifiée par des raisons de sécurité, de lutte contre le terrorisme et de soutien aux régimes en place. Cependant, cette présence a souvent été perçue comme une forme de néocolonialisme, alimentant des sentiments anti-français dans plusieurs pays. Les mouvements populaires et les revendications de souveraineté nationale ont conduit à une remise en question de cette présence militaire.
Souveraineté nationale
Le retrait des forces françaises est souvent interprété comme une affirmation de la souveraineté des États africains. Les gouvernements du Tchad, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire cherchent à renforcer leur autonomie en matière de sécurité et à développer leurs propres capacités militaires. Cela reflète une volonté croissante de ne plus dépendre des puissances étrangères pour la sécurité nationale.
Réactions locales et régionales
Les réactions à cette annonce varient d’un pays à l’autre. Dans certains cas, comme au Tchad, le gouvernement a accueilli le retrait comme une opportunité de renforcer les forces armées nationales. En revanche, des manifestations ont eu lieu dans d’autres pays, où une partie de la population perçoit ce départ comme une menace potentielle à la sécurité, notamment face à la montée du terrorisme et des groupes armés.
Défis sécuritaires
Le départ des forces françaises soulève des questions sur la capacité des États africains à gérer seuls leurs défis sécuritaires. Les pays concernés, en particulier ceux du Sahel, font face à des menaces croissantes liées au terrorisme, à la criminalité transfrontalière et aux conflits internes. La transition vers une autonomie militaire efficace nécessitera des investissements significatifs dans la formation, l’équipement et le soutien logistique des forces armées locales.
Nouveaux partenariats
Le retrait des forces françaises pourrait ouvrir la voie à de nouveaux partenariats militaires. Les pays africains pourraient chercher à établir des relations avec d’autres puissances, notamment des pays émergents comme la Russie ou la Chine, qui proposent des modèles de coopération différents. Cela pourrait également encourager une coopération régionale accrue entre les pays africains pour faire face aux défis communs.
Implications économiques
La présence militaire française a également des implications économiques, notamment en matière d’investissements et de développement. Le retrait pourrait influencer les relations économiques entre la France et ces pays, affectant les investissements français et la coopération économique. Les gouvernements africains devront naviguer dans ce nouvel environnement pour maintenir des relations économiques stables tout en renforçant leur indépendance.
Thom Biakpa