L’ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire, Abdourahmane CISSE, avec la PDG du MCC, Alice ALBRIGHT, à l’issue d’une séance de travail en 2023/ Abidjan.net
La fin du Millennium Challenge Corporation (MCC) marque un tournant préoccupant pour l’Afrique, qui perd une part significative de l’aide américaine. En effet, deux tiers de cette aide étaient destinés à des pays africains, finançant des projets essentiels tels que des infrastructures routières, l’électricité et l’irrigation. Le retrait de Washington laisse derrière lui des chantiers inachevés et fragilise davantage les économies locales.
Des projets cruciaux en suspens
À Abidjan, les ouvriers continuent de travailler sur le grand échangeur de Koumassi, une infrastructure financée par le MCC dans le cadre d’un programme de 537 millions de dollars pour la Côte d’Ivoire. Ce projet, qui inclut la réhabilitation du boulevard du Port, était en gestation depuis des années. Marie-Viviane Ado Gossan-Coulibaly, directrice du MCA Côte d’Ivoire, souligne l’importance de cette voie pour l’économie ivoirienne : « C’est une voie clé dans l’économie ivoirienne parce que tous les produits passent par cette voie-là pour être exportés ou importés. De nombreuses industries, notamment dans la cimenterie, le café et le cacao, y sont installées. La réhabilitation de ce boulevard a un impact significatif sur les performances de toutes ces industries. »
Le Malawi face à un manque de financements
Au Malawi, la situation est tout aussi préoccupante. Un financement de 350 millions de dollars, destiné à la construction de routes à travers le pays, a été annulé. Jacob Hara, ministre des Transports, a confirmé que le projet était reporté en raison d’un « brusque changement de politique américain ». Cette nouvelle doctrine de rationalisation des dépenses publiques à l’international a des répercussions directes sur les infrastructures et le développement économique du pays.
Ibrahim Amadou Louché, économiste nigérien, met en garde contre les conséquences de cette situation : « Le risque, c’est que cela accentue des désordres déjà présents dans ces zones, qui, par ricochet, finissent par atteindre les pays développés sous divers canaux, notamment par la migration. Il serait souhaitable que les autorités américaines reconsidèrent leur position pour essayer de reprendre ces aides. »
Des perspectives sombres pour l’avenir
La fin du MCC s’inscrit dans un contexte plus large de réduction de l’aide américaine. Les États-Unis ont également mis fin à l’USAID, l’Agence américaine pour le développement, qui fournissait 16 milliards de dollars d’aide par an pour l’Afrique subsaharienne. Dans une moindre mesure, la France et le Royaume-Uni ont également réduit leurs aides au développement. Cette accumulation de coupes budgétaires laisse présager un manque de financements crucial pour les États africains.
Ibrahim Amadou Louché souligne le ressentiment croissant face à cette situation : « Les organismes internationaux emploient aussi de la main-d’œuvre locale. Il y a des emplois directs et indirects. Personnellement, j’ai des connaissances qui s’apprêtent maintenant à rentrer au pays, et cela soulève beaucoup d’interrogations sur leur avenir. Les perspectives deviennent de plus en plus sombres. »
Une alternative risquée : le recours à la Chine
Face à cette perte de financements, certains pays africains pourraient être tentés de se tourner vers la Chine pour obtenir des financements. Cependant, le modèle chinois repose sur des investissements avec contrepartie, ce qui peut entraîner un endettement accru des pays africains. Ce modèle est donc très éloigné des dons sans remboursement offerts par le MCC.
La fin du Millennium Challenge Corporation représente un coup dur pour l’Afrique, qui se retrouve face à des défis économiques croissants et à une incertitude quant à l’avenir de ses projets de développement. Les conséquences de cette décision pourraient se faire sentir bien au-delà des frontières africaines, affectant la stabilité et la prospérité de la région.
Thom Biakpa