La Cour criminelle spécialisée de Libreville a rendu un verdict historique : Sylvia Bongo Ondimba, épouse de l’ancien président Ali Bongo, et leur fils Noureddin ont été condamnés, mercredi 12 novembre, à 20 ans de réclusion criminelle et 100 millions de francs CFA d’amende chacun pour détournement massif de fonds publics, blanchiment de capitaux et corruption.
Absents du procès, les deux condamnés, actuellement installés à Londres, ont également été condamnés par contumace à verser plus de 2 000 milliards de francs CFA de dommages et intérêts à l’État gabonais.
Un procès sous haute tension politique
Ouvert le 10 novembre à Libreville, le procès s’est déroulé dans un climat tendu, sur fond de transition politique et de volonté affichée du régime du général Brice Oligui Nguema de « tourner la page du système Bongo ».
Selon le procureur général Eddy Minang, les deux jours d’audience ont révélé « un vaste réseau de captation de l’argent public » mis en place par la famille présidentielle pour s’enrichir illégalement. Les montants en jeu se chiffreraient en plusieurs milliards de francs CFA.
Le président de la cour, Jean Mexant Essa Assoumou, a jugé les faits « établis et d’une gravité exceptionnelle », soulignant que la corruption et les détournements avaient gravement compromis les finances de l’État et la confiance des citoyens.
Des indemnisations records à verser à l’État
En plus de leurs peines de prison, Noureddin Bongo a été condamné à verser 1 201 milliards de francs CFA (environ 1,83 milliard d’euros) pour le préjudice financier subi par le Trésor public.
Sa mère, Sylvia Bongo, devra s’acquitter, conjointement avec lui, d’un montant supplémentaire de 1 000 milliards de francs CFA (soit 1,52 milliard d’euros) pour le préjudice moral causé à la nation.
Leur défense, absente de l’audience, a dénoncé un procès « injuste ». Dans un entretien accordé à l’AFP, Noureddin Bongo a affirmé que « les conditions d’un procès juste et équitable ne sont toujours pas réunies ».
Des accusations de torture et une bataille judiciaire internationale
Arrêtés dans la foulée du coup d’État du 30 août 2023, qui a renversé Ali Bongo après une présidentielle contestée, Sylvia et Noureddin Bongo avaient été incarcérés pendant près de 20 mois avant d’être libérés sous conditions.
Ils affirment avoir subi des tortures et mauvais traitements de la part de militaires gabonais et ont déposé plainte en France, pays dont ils possèdent également la nationalité.
Le général-président Brice Oligui Nguema a pour sa part rejeté ces accusations, assurant que la procédure s’était déroulée « dans le respect de la justice et de la transparence ».
La fin d’une ère Bongo
Cette condamnation retentissante tourne une page décisive dans l’histoire du Gabon. La dynastie Bongo, qui a régné sans partage pendant 55 ans, voit ainsi deux de ses figures emblématiques condamnées pour corruption.
D’abord Omar Bongo (au pouvoir de 1967 à 2009), puis son fils Ali Bongo, ont incarné un régime longtemps accusé de népotisme et de mauvaise gouvernance, malgré les richesses pétrolières du pays.
Pour une large partie de la population, ce verdict symbolise la fin d’un système et la promesse d’un nouveau départ pour un Gabon en quête de justice, de transparence et d’égalité.
Thom Biakpa




