Près de deux semaines après le renversement du pouvoir à Bissau, l’opposition bissau-guinéenne, aujourd’hui rassemblée en exil à Dakar, intensifie la pression sur la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). À l’approche du sommet extraordinaire de l’organisation, prévu le 14 décembre, les opposants appellent les dirigeants ouest-africains à adopter une position « ferme et cohérente » afin de restaurer l’ordre constitutionnel.
Un ultimatum adressé à la Cédéao
Réunis le 9 décembre au Sénégal, responsables politiques et acteurs de la société civile ont dénoncé l’inaction de la Cédéao face au coup d’État du 26 novembre mené par le général Horta N’tam.
Dara Fonseca Fernandez, membre de l’équipe de campagne de l’opposant Fernando Dias da Costa, présenté par ses partisans comme le véritable vainqueur de la présidentielle, estime que l’organisation régionale dispose encore d’une marge de manœuvre.
Selon lui, aucune intervention militaire n’est nécessaire : « Une résolution claire suffirait. La Cédéao doit reconnaître Fernando Dias da Costa comme président élu, l’accompagner jusqu’au palais présidentiel et exiger le retour du général N’tam dans les casernes », plaide-t-il.
Fuyant une tentative d’arrestation à Bissau, Dara Fonseca Fernandez voit dans le sommet du 14 décembre « la dernière opportunité » d’éviter que le putsch ne s’enracine.
La société civile sénégalaise dénonce un double standard
Ce plaidoyer est partagé par plusieurs organisations de la société civile sénégalaise, qui accusent la Cédéao de manquer de cohérence dans ses réactions aux crises politiques.
Leur reproche principal : la différence de traitement entre la situation en Guinée-Bissau et la tentative de coup d’État récemment déjouée au Bénin, où l’organisation régionale a immédiatement annoncé le déploiement de sa force en attente.
Pour Abdou Aziz Cissé, membre du mouvement Africtivistes, cette attitude ambiguë fragilise la crédibilité de l’institution : « On ne peut pas condamner avec vigueur un coup d’État au Bénin et en accepter implicitement un autre dans un pays voisin. Un tel deux poids deux mesures enverrait un signal très inquiétant. »
Des résultats d’élections encore récupérables, selon l’opposition
Alors que des procès-verbaux de l’élection ont été détruits le jour du putsch, l’opposition assure qu’il reste possible de proclamer les résultats. Des copies préservées dans plusieurs régions permettraient encore, selon elle, de reconstituer le vote et de confirmer la victoire de Dias da Costa.
À la veille du sommet de la Cédéao, les pressions s’intensifient donc sur les chefs d’État ouest-africains. Leur décision pourrait déterminer si la Guinée-Bissau s’engage dans un processus de retour au civisme institutionnel ou si le pays s’installe durablement dans une nouvelle ère d’incertitude politique.
Thom Biakpa




