La contestation se poursuit au Madagascar / AFP
À Madagascar, le président Andry Rajoelina multiplie les consultations. Après avoir rencontré, la semaine dernière, les groupements d’entreprises, les hauts fonctionnaires et les chefs d’Église, il poursuit ce 8 octobre son cycle d’échanges avec des associations de jeunesse, des acteurs culturels et des journalistes. Objectif affiché : proposer des solutions concrètes aux problèmes du pays, dans un contexte de forte mobilisation de la jeunesse, entamée depuis près de deux semaines.
Le gouvernement met en avant une volonté de dialogue sans filtre, avec une liberté totale d’expression, notamment sur les questions sensibles telles que la liberté de la presse. Le ministère de la Communication promet un échange « sincère », organisé au palais présidentiel d’Iavoloha.
Cependant, cette initiative présidentielle, amorcée le 4 octobre, peine à convaincre les leaders du mouvement contestataire. Elle se distingue d’ailleurs de la concertation nationale qui doit s’ouvrir sous l’égide du Conseil œcuménique des Églises chrétiennes. Pour les protestataires, les conditions actuelles ne permettent pas un dialogue véritable.
Le collectif Gen Z refuse toute participation sans concessions préalables
Le collectif Gen Z, à l’origine de la mobilisation actuelle, n’a pas été invité à ces consultations. Il rejette fermement toute participation à un dialogue tant que ses revendications ne sont pas prises en compte. Parmi ces demandes figurent notamment la révocation du président du Sénat, le général Richard Ravalomanana, et l’ouverture d’enquêtes sur l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, proche du chef de l’État.
Le collectif a lancé un ultimatum au président Rajoelina : il lui donne jusqu’au soir du 8 octobre pour répondre à ces exigences. Faute de réponse, il menace de déclencher une grève générale à l’échelle nationale, avec le soutien d’organisations influentes telles que Transparency International et la Solidarité syndicale de Madagascar, premier syndicat du pays.
Une contestation qui persiste malgré le changement de Premier ministre
La récente nomination du général Rufin Fortunat Zafisambo au poste de Premier ministre, en remplacement de Christian Ntsay, ne semble pas apaiser les tensions. Le président Rajoelina a fixé à son nouveau chef de gouvernement un délai de six mois pour améliorer la distribution de l’eau et de l’électricité, et lutter contre la corruption. Mais pour les protestataires, cette décision ne répond en rien aux aspirations populaires.
La principale plateforme de l’opposition, Firaisankina, dénonce également cette nomination, la qualifiant de « provocation à l’égard du peuple malgache ». Le général Zafisambo, ancien chef de cabinet militaire du Premier ministre sortant, incarne, selon elle, la continuité d’un système rejeté par une large partie de la population.
Une stratégie de communication avant tout ?
Pour Christiane Rafidinarivo, politologue et chercheuse associée au CEVIPOF (Sciences Po Paris), ces consultations ont avant tout une portée symbolique. « Elles n’engagent à rien sur le fond, mais peuvent servir de gage aux yeux des instances internationales pour montrer que le président s’inscrit dans une démarche d’ouverture », analyse-t-elle.
Face à une jeunesse déterminée, soutenue par une partie de la société civile et de l’opposition, le pouvoir malgache semble pris dans un dilemme : engager de véritables réformes, ou risquer un durcissement du mouvement de contestation.
Thom Biakpa