Le Général Abdoulaye Maiga, nouveau Premier ministre du Mali
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Le général Abdoulaye Maïga a été désigné comme le nouveau Premier ministre de transition du Mali, tout en conservant son rôle à la tête de l’Administration territoriale, qu’il occupait déjà dans le précédent gouvernement. Sa nomination a eu lieu, jeudi 21 novembre à la mi-journée, et la composition de son cabinet a été rapidement dévoilée dans l’après-midi. Les changements au sein du gouvernement sont minimes : le général Sadio Camara demeure à la Défense, le général Ismaël Wagué continue de superviser la Réconciliation, Abdoulaye Diop est confirmé aux Affaires étrangères, et Alousseini Sanou reste à l’Économie.
L’arrivée du général Abdoulaye Maïga à la Primature est la principale nouveauté de cette réorganisation. Bien qu’il soit un nouveau visage à ce poste, il a déjà une expérience significative, ayant assuré l’intérim lorsque Choguel Maïga, l’ancien Premier ministre, a rencontré des problèmes de santé. Avant sa nomination, Abdoulaye Maïga était ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement. Bien qu’il ne fasse pas partie des cinq militaires ayant orchestré le coup d’État d’août 2020, il a su gagner la confiance des dirigeants militaires et s’imposer comme un pilier du régime de transition. En octobre, il a été promu au rang de général, en même temps qu’Assimi Goïta et d’autres militaires impliqués dans le coup d’État.
Depuis plus de quatre ans, les Maliens ont appris à reconnaître son style martial et ses « phrases chocs », souvent répétées pour marquer les esprits. Récemment, il a même utilisé l’expression « à bon entendeur, tant pis » lors d’une intervention à la tribune des Nations unies, où il a critiqué l’Algérie.
En tant que ministre de l’Administration territoriale, Abdoulaye Maïga a été un interlocuteur clé pour les partis politiques et a supervisé les processus électoraux. Alors que des élections, notamment présidentielles, semblent se profiler à l’horizon, certains acteurs politiques craignent que cette nouvelle phase ne retarde encore le retour à l’ordre constitutionnel.
Choguel Maïga : Un prédécesseur toujours actif
Quant à Choguel Maïga, son prédécesseur, il semble déterminé à rester une figure influente sur la scène politique malienne. Peu après son limogeage, il a publié un message sur les réseaux sociaux pour répondre aux accusations de « trahison » formulées par les partisans de la junte. Sa défense prend des allures d’offensive, alors qu’il se justifie d’avoir servi le régime pendant trois ans et demi par « patience » et pour « faire avancer les choses dans le bon sens ». Il dénonce une prétendue « mission de déstabilisation » orchestrée par d’anciens alliés de son mouvement, le M5-RFP, ainsi que par certaines institutions de la transition.
Choguel Maïga accuse directement le général Abdoulaye Maïga d’avoir « clandestinement » créé une centaine de nouveaux partis politiques à son insu, des formations qu’il qualifie de « véritables ennemis de la transition » et d’« agents doubles » cherchant à exiger sa démission. Sa réaction immédiate et virulente laisse entendre qu’il n’a pas l’intention de se retirer discrètement de la scène politique. Les militaires au pouvoir lui permettront-ils de continuer à s’exprimer librement ? Actuellement, plus d’une dizaine d’opposants politiques et figures de la société civile sont emprisonnés pour des raisons similaires.
Réactions polarisées à la nomination du nouveau Premier ministre
La nomination du général Abdoulaye Maïga a suscité des réactions contrastées au sein de l’opinion publique malienne. Nouhoum Sarr, président du Front africain pour le développement (FAD) et membre du Conseil national de transition (CNT), décrit le nouveau Premier ministre comme « intelligent, sérieux et courtois », affirmant qu’il est bien informé des enjeux actuels. Selon lui, Abdoulaye Maïga est ouvert au dialogue et capable de rassembler les différents acteurs politiques pour le bien du pays.
À l’opposé, Choguel Maïga continue de critiquer les militaires au pouvoir, tentant de se positionner en opposant après avoir servi le régime pendant trois ans. Nouhoum Sarr ne lui accorde pas de crédit, le qualifiant de « pas sérieux » et l’accusant de vouloir se distancier de son bilan.
Une militarisation croissante du pouvoir
Housseini Amion Guindo, ancien ministre et président du parti Codem (Convergence pour ledéveloppement du Mali), voit d’un mauvais œil cette nomination. Il rappelle que Choguel Maïga a été choisi par une partie de l’armée qui a orchestré le coup d’État de 2020, et que son remplacement par le général Abdoulaye Maïga marque une militarisation accrue du pouvoir. Guindo appelle à un retour à l’ordre constitutionnel et à des élections transparentes, sans la participation des militaires au pouvoir.
Les promesses des autorités en place, qui évoquent depuis plus de quatre ans l’organisation d’élections, sont désormais remises en question. Alors que certains acteurs politiques espéraient un retour imminent à la démocratie, l’agenda du nouveau gouvernement soulève des interrogations. Les enjeux de sécurité, d’électricité et de coût de la vie demeurent cruciaux, tout comme la question de la candidature d’Assimi Goïta et d’autres militaires aux futures élections, ainsi que la crédibilité des scrutins à venir. Cette nouvelle étape de la transition malienne s’annonce donc pleine d’incertitudes.
Thom Biakpa