Dans la nuit de mardi à mercredi, un grondement sourd a brusquement déchiré le silence du quartier. À Fès, deux immeubles voisins se sont effondrés presque simultanément, emportant avec eux vingt-deux vies. Parmi les victimes, des femmes et des enfants réunis pour célébrer une aqiqa, une fête traditionnelle marquant la naissance d’un nouveau-né. En quelques secondes, la joie a basculé dans l’horreur.
Un quartier réveillé en pleine tragédie
Il est un peu plus de 23 heures lorsque les premières pierres cèdent. Les habitants, encore éveillés ou déjà endormis, témoignent d’une même scène : un vacarme brutal, suivi d’un épais nuage de poussière.
Bilal El Bachir, 17 ans, n’oubliera jamais ce qu’il a vécu :
« J’ai entendu un bruit fort vers minuit, puis des cris… Quand je suis sorti, je n’ai vu que de la poussière. C’est là que j’ai compris ».
Au lever du jour, les secouristes fouillent les décombres sans relâche. En début d’après-midi, la Protection civile confirme : il n’y a plus d’espoir de retrouver des survivants.
L’ombre des constructions illégales
Au fil des heures, les questions affluent et la colère gronde. Pour de nombreux habitants, le drame n’a rien d’une fatalité. Les deux immeubles, érigés en 2006, étaient déjà classés parmi les bâtiments menaçant ruine. Les autorités avaient même ordonné leur évacuation.
Mais dans ce quartier présenté comme moderne, les riverains dénoncent un laisser-faire devenu dangereux.
Bilal Ben Daoued, 20 ans, parle sans détour :
« Les constructions illégales se multiplient. On le voit partout ici. Les contrôles n’existent pas et les règles de sécurité sont ignorées ».
Selon plusieurs témoins, des étages auraient été ajoutés sans autorisation, affaiblissant la structure des bâtiments.
Un drame qui s’inscrit dans une série noire
L’effondrement de Fès s’ajoute à une liste déjà longue d’accidents meurtriers au Maroc.
En 2014, à Casablanca, 23 personnes perdaient la vie dans des circonstances similaires.
L’année 2024, elle, aura été particulièrement sombre pour Fès : neuf morts en mai, cinq en février. Autant de rappels douloureux d’un problème structurel encore loin d’être résolu.
Une urgence nationale
Les blessés ont été transférés au Centre Hospitalier Universitaire de Fès, tandis que le Parquet a ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes du sinistre. Mais pour les habitants, l’essentiel est ailleurs : empêcher que cela ne se reproduise.
Dans les rues du quartier endeuillé, une vérité s’impose : tant que les constructions illégales, l’absence de contrôle et la vétusté du bâti urbain persisteront, le Maroc restera vulnérable à ces tragédies annoncées.
Thom Biakpa




