Des jeunes Marocains du collectif GenZ 212 manifestent à Rabat, scandant des slogans pour réclamer des réformes en santé publique et éducation /AFP
Les autorités marocaines ont annoncé, mardi 28 octobre, la poursuite de 2 480 personnes, dont près de 1 500 en détention, à la suite des manifestations menées depuis fin septembre par le collectif citoyen GenZ 212. Ce mouvement, initié par de jeunes Marocains très actifs sur les réseaux sociaux, avait mobilisé des milliers de personnes à travers le pays pour réclamer des réformes sociales profondes.
Un mouvement inédit par son ampleur et sa jeunesse
Né sur les plateformes numériques, le collectif GenZ 212 a émergé comme une voix nouvelle de la jeunesse marocaine. Ses appels à manifester ont trouvé un écho particulier dans les grandes villes, notamment à Casablanca, Rabat, Tanger et Fès.
Les revendications portaient sur l’amélioration des services publics, une meilleure gouvernance, la lutte contre la corruption, et, pour certains manifestants, le départ du gouvernement jugé incapable de répondre aux attentes sociales.
Mais les rassemblements, bien qu’initiés dans un esprit pacifique, ont rapidement dégénéré dans certaines localités. Des affrontements avec les forces de l’ordre et des actes de vandalisme ont été signalés, entraînant trois morts selon le bilan officiel.
2 480 personnes poursuivies, 1 448 placées en détention
Lors d’une conférence de presse, Hassan Farhan, juge détaché auprès de la présidence du ministère public, a détaillé les chiffres de la répression judiciaire.
Sur les 2 480 personnes poursuivies, 1 448 ont été placées en détention préventive. Les chefs d’inculpation varient : « rébellion en réunion » pour 20 % des cas, « outrage et violence envers les forces de l’ordre » pour 17 %, et « incitation à commettre des crimes » pour une proportion équivalente.
Au 27 octobre, les tribunaux avaient déjà condamné 411 personnes, dont 76 mineurs. Soixante et une ont écopé de peines allant d’un à quinze ans de prison, notamment pour pillage, dégradations de biens publics ou incendie volontaire. D’autres condamnations assorties de sursis ont également été prononcées.
Vives inquiétudes sur le respect des droits
Face à cette vague d’arrestations, plusieurs ONG, dont l’Association marocaine des droits humains (AMDH), ont exprimé leur inquiétude. L’organisation dénonce des « violations de procédure » et affirme que certains procès-verbaux auraient été « rédigés sous la contrainte ».
Elle appelle les autorités à garantir le respect du droit à un procès équitable et à libérer les manifestants arrêtés pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression.
Le parquet, de son côté, rejette fermement ces accusations. Son représentant a assuré que « toutes les conditions d’un procès équitable ont été respectées dès l’arrestation », soulignant que les enquêtes ont été menées « dans le strict respect de la loi et des droits fondamentaux ».
Une mobilisation ralentie après le discours royal
Après deux semaines de manifestations quasi quotidiennes, la dynamique du mouvement s’est nettement ralentie à la mi-octobre.
Le discours prononcé par le roi Mohammed VI le 10 octobre, appelant à accélérer les réformes sociales et à renforcer la justice territoriale, a contribué à calmer les tensions. Dans la foulée, le gouvernement a annoncé un budget supplémentaire de 13 milliards d’euros pour 2026, destiné à l’éducation et à la santé deux secteurs au cœur des revendications de GenZ 212.
Si cette annonce a apaisé une partie de l’opinion, de nombreux observateurs estiment que le mouvement a révélé un malaise social profond. Pour beaucoup, la jeunesse marocaine, confrontée au chômage, à la précarité et au manque de perspectives, cherche désormais à se faire entendre autrement.
Thom Biakpa




