Le roi Mohammed VI lors de son adresse aux membres des deux chambres de parlement, le vendredi 10 octobre dernier/ Capture d’écran
Face à une contestation sociale menée par la jeunesse marocaine, le gouvernement a dévoilé un ambitieux plan de réformes politiques et sociales, dans un contexte de tensions croissantes.
Depuis fin septembre, le Maroc est secoué par un mouvement inédit de mobilisation sociale, impulsé par le collectif GenZ 212. Née sur les réseaux sociaux, cette contestation, portée par une jeunesse avide de changement, exige plus de justice sociale, une véritable lutte contre la corruption et un profond renouvellement de la classe politique. En réponse, l’exécutif marocain a annoncé, dimanche 19 octobre, une série de mesures fortes, entérinées dans le cadre du projet de loi de finances 2026, récemment approuvé par le Conseil des ministres présidé par le roi Mohammed VI.
Réformes politiques : une ouverture vers la jeunesse
Parmi les mesures phares, figure un projet de loi facilitant l’accès des jeunes de moins de 35 ans à la vie politique. Ce texte prévoit l’assouplissement des conditions de candidature aux élections et la mise en place de subventions publiques couvrant jusqu’à 75 % des frais de campagne, afin d’encourager une nouvelle génération de leaders.
Dans le même esprit, une autre réforme vise les partis politiques, appelés à s’engager dans une dynamique de modernisation, de transparence financière et d’ouverture aux jeunes et aux femmes dans leurs organes décisionnels. Ces dispositions reprennent les orientations du discours du Trône de juillet 2025, où Mohammed VI avait mis en garde contre un « Maroc à deux vitesses » et appelé à une refonte des politiques publiques en faveur de l’inclusion.
Le souverain a fixé la fin de l’année 2025 comme échéance pour l’adoption de ces textes politiques jugés stratégiques, censés renforcer la participation citoyenne et raviver la confiance dans les institutions.
Un effort budgétaire sans précédent pour les secteurs sociaux
Le gouvernement a également dévoilé un plan massif d’investissement dans les secteurs de la santé et de l’éducation, avec un budget de 140 milliards de dirhams (environ 12,9 milliards d’euros) prévu pour l’année 2026. Cette enveloppe financera notamment, la création de 27 000 nouveaux postes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, l’ouverture de deux nouveaux Centres hospitaliers universitaires (CHU) à Agadir et Laâyoune, la rénovation de 90 hôpitaux publics dans le cadre de la réforme sanitaire nationale, la généralisation de l’enseignement préscolaire, l’amélioration de la qualité pédagogique et le renforcement de l’accompagnement scolaire, notamment en milieu rural.
Un accent particulier sera mis sur les régions défavorisées, les zones montagneuses, les oasis et les littoraux enclavés à travers des programmes ciblés visant à réduire les disparités territoriales persistantes.
Une jeunesse mobilisée et exigeante
Si ces annonces traduisent une volonté politique de répondre aux attentes de la population, elles interviennent dans un contexte social tendu. Depuis le 27 septembre, le mouvement GenZ 212 rassemble des milliers de jeunes dans les principales villes du Royaume, exprimant une lassitude face à l’inertie institutionnelle et aux promesses non tenues. Le collectif, très actif sur les réseaux sociaux, réclame plus de transparence, de justice sociale et une gouvernance renouvelée.
Malgré des avancées économiques notables, notamment le taux de pauvreté qui est passé de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024, selon les chiffres officiels, les inégalités régionales demeurent profondes. L’accès inégal à l’éducation est particulièrement pointé du doigt : 47,5 % des cas de pauvreté seraient liés au déficit éducatif.
Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, affirme de son côté que les investissements en santé et en éducation ont augmenté de 65 % entre 2021 et 2025. Pourtant, ces chiffres peinent à apaiser la frustration d’une partie de la population, pour qui les effets concrets de ces politiques tardent à se faire sentir.
Une étape décisive attendue au Parlement
Les différentes réformes annoncées devront encore franchir l’étape parlementaire à partir de ce lundi. Leur adoption et leur mise en œuvre effective constitueront un test décisif pour la crédibilité de l’exécutif et pour sa capacité à enrayer un mouvement de contestation inédit par son ampleur et sa composition générationnelle.
Au-delà des annonces, c’est bien la confiance entre l’État et sa jeunesse qui est en jeu. Une confiance qui, pour être restaurée, exigera plus que des promesses : des résultats tangibles, visibles et équitables sur l’ensemble du territoire national.
Thom Biakpa