La pluie n’a duré qu’une heure. Mais à Safi, sur la côte atlantique marocaine, ses effets resteront gravés longtemps. Dimanche 14 décembre, de violents orages ont provoqué des crues soudaines d’une rare intensité, transformant les rues en torrents de boue et faisant au moins 37 morts. Une tragédie qui révèle, une fois de plus, la fragilité des villes face aux dérèglements climatiques.
En quelques dizaines de minutes, l’eau a envahi les quartiers les plus exposés, notamment la médina. Les réseaux d’évacuation ont été dépassés, les routes coupées, des voitures emportées comme de simples jouets. Selon les autorités locales, au moins 70 habitations et commerces ont été inondés, tandis qu’un axe routier stratégique a subi de lourds dégâts, paralysant la circulation urbaine.
Les services de secours ont recensé 32 blessés, transportés vers l’hôpital provincial. La plupart ont pu quitter l’établissement après avoir reçu des soins, mais le bilan humain reste lourd : il s’agit de l’épisode de crues le plus meurtrier au Maroc depuis une dizaine d’années.
Une ville submergée, des habitants désemparés
Les images diffusées sur les réseaux sociaux et par les agences de presse témoignent de la brutalité de l’événement. On y voit une eau épaisse et boueuse dévaler les rues, renverser des véhicules, engloutir des bâtiments. Des embarcations de la Protection civile ont été déployées pour atteindre des habitants bloqués par la montée rapide des eaux, tandis qu’un mausolée historique se retrouvait partiellement submergé.
Pour les habitants, le choc est immense. « Tout a été emporté », raconte Hamza Chdouani, résident de Safi, qui parle d’une « journée noire » pour la ville. D’autres expriment leur colère et leur incompréhension face à l’absence de dispositifs de pompage rapides, évoquant un sentiment d’abandon dans les premières heures de la catastrophe.
Après l’eau, la désolation
Dans la soirée, le reflux des eaux a laissé apparaître un paysage dévasté : boue épaisse, débris entassés, véhicules retournés. Les forces auxiliaires et la Protection civile ont poursuivi leurs opérations de déblaiement et de recherche, tandis que les autorités locales affirmaient rester mobilisées pour sécuriser les zones sinistrées et venir en aide aux familles touchées.
La vigilance reste toutefois de mise. La Direction générale de la météorologie avait émis des alertes dès la veille et a prévenu que de nouvelles précipitations, potentiellement intenses, pourraient toucher plusieurs régions du pays dans les jours à venir.
Le signal d’alarme du climat
Si les inondations ne sont pas inédites au Maroc, leur fréquence et leur violence inquiètent de plus en plus les spécialistes. L’élévation des températures, combinée à une humidité persistante en automne, favorise des épisodes orageux courts mais extrêmement intenses. Ces phénomènes, amplifiés par le changement climatique, exposent particulièrement les zones urbaines mal adaptées aux crues soudaines.
La catastrophe de Safi s’inscrit dans une série noire : inondations meurtrières dans le sud du pays en septembre 2024, drames similaires en 2014, et le souvenir encore vif des crues de la vallée de l’Ourika en 1995. Autant de rappels de l’urgence à renforcer les politiques de prévention, d’aménagement urbain et d’adaptation climatique.
À Safi, l’heure est désormais au deuil, au nettoyage et aux questions. Comment éviter que cette tragédie ne se reproduise ? Et comment préparer les villes marocaines à un climat devenu plus imprévisible et plus dangereux ?
Thom Biakpa




