Le Niger tourne une page majeure de son histoire minière. La junte militaire, aux commandes depuis le coup d’État de juillet 2023, a annoncé la mise en vente sur le marché international de l’uranium extrait par la Somaïr, ex-filiale du groupe français Orano, nationalisée en juin. Le pays, qui pèse près de 5 % de la production mondiale, entend désormais choisir librement ses partenaires et redéfinir son avenir stratégique.
Longtemps au cœur d’une collaboration étroite et parfois contestée avec Orano, la Somaïr était détenue à 63,4 % par le groupe français et à 36,6 % par l’État nigérien. Désormais, Niamey assure seul les commandes. “Le Niger, digne, met sur le marché international sa propre production”, a martelé à la télévision publique Télé Sahel le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte, revendiquant le “droit légitime” du pays à disposer de ses ressources.
Cette décision survient alors que les relations entre Niamey et Orano se sont considérablement tendues. Privé de ses permis d’exploitation et de son contrôle opérationnel sur trois sites Somaïr, Cominak (fermée depuis 2021) et le gigantesque gisement d’Imouraren, riche de quelque 200.000 tonnes de réserves, le groupe français a lancé plusieurs procédures d’arbitrage international. En septembre, une décision judiciaire lui était même favorable : elle demandait au Niger de ne pas vendre les quelque 1.300 tonnes de concentré d’uranium de la Somaïr, évaluées à 250 millions d’euros.
Mais Niamey semble décidé à avancer, quitte à bousculer l’ordre établi. Le pays affiche ouvertement son intention de diversifier ses partenaires, citant notamment la Russie ou l’Iran. Une orientation stratégique qui redessine les équilibres régionaux, alors que Moscou a déjà exprimé son intérêt pour les ressources nigériennes.
Selon des médias ouest-africains, un convoi de 1.000 tonnes d’uranium aurait récemment quitté Arlit pour le port de Lomé, en traversant le Burkina Faso.
Avec 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel (chiffres 2021 de l’agence d’approvisionnement d’Euratom), le Niger accélère sa mue géopolitique. Et ce repositionnement brutal pour certains, stratégique pour d’autres, rebat les cartes d’un secteur où chaque tonne d’uranium est un enjeu diplomatique, économique et sécuritaire.
Thom Biakpa




