Le gouvernement nigérian a fermement démenti toute accusation de persécution religieuse, après que le président américain Donald Trump a évoqué une possible intervention militaire pour “protéger les chrétiens” au Nigeria.
Lors d’un déplacement à Berlin, mardi 5 novembre, le ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Tuggar, a insisté sur le respect scrupuleux de la liberté religieuse inscrite dans la Constitution du pays. “Le Nigeria est guidé par sa Constitution, qui garantit la liberté de culte à tous ses citoyens. Aucune forme de persécution religieuse ne peut être tolérée, ni par les autorités fédérales, ni par les gouvernements régionaux ou locaux”, a-t-il affirmé en brandissant un exemplaire du texte fondamental.
Le chef de la diplomatie nigériane a mis en garde contre toute tentative de “fracturer le Nigeria sur des bases religieuses ou ethniques”, évoquant le risque de voir émerger “un nouveau Soudan”.
“Le Nigeria, c’est 230 millions d’habitants, le plus grand pays d’Afrique. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter les erreurs du Soudan”, a-t-il souligné.
La crainte d’une division sur fond de tensions internes
Le Nigeria, partagé à parts quasi égales entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne, est régulièrement secoué par des violences multiformes. Les conflits qui s’y déroulent, rappellent les experts, touchent indistinctement les fidèles des deux religions.
“Le Nigeria est probablement la seule grande ancienne colonie britannique qui n’ait pas connu de partition depuis son indépendance. D’autres, comme l’Inde ou le Soudan, ont été déchirées par des sécessions violentes”, rappelle Ikemesit Effiong, directeur de la recherche au cabinet nigérian SBM Intelligence. Selon lui, la stabilité du pays repose sur un équilibre fragile : “Notre diversité peut être une force, mais elle peut aussi devenir un ferment de division et, à terme, de désintégration nationale.”
La CEDEAO dénonce une instrumentalisation du facteur religieux
Dans un communiqué publié mardi 4 novembre, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a condamné les discours présentant les violences au Nigeria comme une guerre de religion.
“La violence terroriste ne fait aucune distinction de sexe, de religion, d’origine ethnique ou d’âge”, a rappelé l’organisation, appelant les Nations unies et la communauté internationale à “rejeter toute affirmation mensongère laissant croire à un génocide ciblant un groupe religieux particulier”.
Trump évoque une possible intervention armée
Le week-end précédent, Donald Trump avait menacé d’une intervention militaire au Nigeria, accusant les autorités de laisser massacrer les chrétiens. Interrogé par un journaliste de l’AFP, le président américain avait déclaré “envisager beaucoup de choses”, ajoutant : “Ils tuent les chrétiens par milliers. Nous n’allons pas laisser cela se produire.”
En réponse, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a proposé une rencontre avec M. Trump, tandis que son chef d’état-major, le général Olufemi Oluyede, a catégoriquement démenti ces accusations.
“Aucun chrétien n’est persécuté au Nigeria”, a-t-il assuré. “Le terrorisme est un fléau mondial. Si certains pays souhaitent aider le Nigeria dans sa lutte, nous sommes ouverts à la coopération.”
Un pays en proie à des crises multiples
Le Nigeria, première économie d’Afrique et grand producteur de pétrole, fait face à plusieurs foyers de violence :
Dans le nord-est, l’insurrection jihadiste de Boko Haram, active depuis 2009, a fait plus de 40 000 morts et provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes, selon les Nations unies.
Dans le nord-ouest et le centre, des bandits armés multiplient les attaques, pillant les villages et enlevant des habitants contre rançon.
Dans le “Middle Belt”, les affrontements entre agriculteurs chrétiens et éleveurs peuls musulmans continuent de faire des victimes. Si ces violences sont souvent perçues sous un prisme religieux, leurs causes profondes résident davantage dans la mauvaise gestion foncière et la faiblesse de l’État dans les zones rurales.
Enfin, des mouvements séparatistes persistent dans le sud-est du pays, ajoutant une dimension politique à l’instabilité sécuritaire.
Un équilibre fragile mais revendiqué
Pour Abuja, la priorité reste de préserver l’unité nationale face à des tensions que certains, selon M. Tuggar, “cherchent à attiser de l’extérieur”.
“Le Nigeria ne se divisera pas. Nous avons traversé une guerre civile, des décennies de dictature et de terrorisme. Nous savons ce que coûte la désunion”, a conclu le ministre.
Thom Biakpa




