Des mères déplacées avec leurs enfants participent à un exercice d’évaluation de la famine organisé par le PAM dans l’État de Borno, au nord-est du Nigeria/ Onu Info
Le nord-est du Nigeria est confronté à une crise alimentaire sans précédent, touchant 31 millions de personnes, dont 17 millions d’enfants souffrant de malnutrition. Cette situation critique, qui passe souvent inaperçue, est exacerbée par l’insécurité alimentaire croissante, alimentant le recrutement de groupes jihadistes locaux et menaçant la stabilité de toute la région.
Les chiffres sont alarmants : plus de 650 enfants sont morts de faim depuis le début de l’année, selon Médecins Sans Frontières (MSF), qui a déjà pris en charge près de 70 000 cas dans l’État de Katsina en 2025. Le nombre de cas de malnutrition sévère a explosé, enregistrant une augmentation de 208 % par rapport à l’année précédente. Emmanuel Berbain, référent nutrition de MSF, souligne que la situation dépasse toutes les prévisions, avec une hausse de 60 % des hospitalisations entre juin 2024 et juin 2025.
Les témoignages des familles touchées sont déchirants. Chi Lael, porte-parole du Programme Alimentaire Mondial (PAM) au Nigeria, raconte l’histoire d’une mère de cinq enfants qui, faute de nourriture suffisante, fait semblant de cuisiner pour apaiser ses enfants avant qu’ils ne s’endorment. « C’est déchirant », déclare-t-elle, ajoutant que la malnutrition infantile atteint des niveaux « effrayants » avec 17 millions d’enfants sous-alimentés.
Malgré les efforts déployés, la situation est critique. Le PAM prévoit la fermeture de 150 cliniques de nutrition, qui aident actuellement 300 000 enfants, d’ici la fin du mois, en raison d’un manque de financement. La porte-parole du PAM s’inquiète de l’avenir de ces enfants, déclarant : « Honnêtement, nous ne savons pas comment ces enfants vont survivre. »
Cette crise alimentaire est exacerbée par la flambée du coût de la vie et la recrudescence des attaques jihadistes, notamment de Boko Haram, qui rendent l’agriculture impossible dans les États de Borno, Adamawa et Yobe. Les agriculteurs ne peuvent plus travailler leurs champs, ce qui aggrave la situation alimentaire.
Le vide humanitaire qui se profile pourrait également avoir des conséquences dévastatrices. La précarité croissante pousse certains jeunes vers les groupes armés, qui recrutent des individus contre quelques pièces de monnaie, permettant ainsi à ces jeunes de se procurer de la nourriture. Chi Lael met en garde contre le risque de déstabilisation d’une région déjà fragile, soulignant que le nord-est du Nigeria est « la pierre angulaire du Sahel ».
Pour éviter une aggravation de la situation, le PAM appelle les bailleurs de fonds à revenir autour de la table des négociations, alors qu’il n’a pas reçu de financement américain depuis l’année dernière. La communauté internationale doit agir rapidement pour répondre à cette crise alimentaire alarmante et protéger les millions d’enfants vulnérables au Nigeria.
Thom Biakpa