La prise d’Uvira par la rébellion de l’AFC/M23, début décembre, continue de produire ses effets bien au-delà du champ de bataille. À Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika, la justice militaire a ouvert un procès très attendu mettant en cause plus d’une centaine de membres des forces de sécurité congolaises accusés d’avoir abandonné leurs postes au moment critique.
Au total, 121 agents dont 66 militaires et 55 policiers sont poursuivis pour avoir quitté Uvira par voie lacustre, alors que la ville du Sud-Kivu tombait sous le contrôle rebelle. Les faits qui leur sont reprochés sont lourds : « abandon de poste » et « désobéissance aux consignes en situation de combat », des infractions sévèrement sanctionnées par le code pénal militaire congolais, pouvant théoriquement conduire à la peine capitale, généralement commuée en prison à vie.
Les audiences se tiennent au camp Marin de Kalemie, à plus de 360 kilomètres d’Uvira. Une majorité des prévenus a été arrêtée dès son arrivée dans la ville, tandis que d’autres restent encore introuvables. Lors de la première audience, consacrée à l’identification, seuls un peu plus de la moitié des accusés ont pu être formellement reconnus par le tribunal.
Pour le ministère public, ce procès dépasse largement le sort individuel des prévenus. Le procureur militaire insiste sur son caractère exemplaire et dissuasif, estimant que la discipline et le respect strict de la chaîne de commandement sont essentiels, surtout en période de combats intenses. Selon l’accusation, le départ non autorisé de ces éléments est intervenu au moment même où la pression militaire de l’AFC/M23 exigeait unité et fermeté.
La défense, en revanche, rejette catégoriquement cette lecture. Les avocats parlent d’accusations « fantaisistes » et soutiennent que leurs clients n’ont fait qu’adopter des stratégies de survie face à un ennemi mieux organisé et dominant sur le terrain. Pour eux, il ne s’agissait pas d’une fuite, mais d’un repli imposé par les réalités opérationnelles.
Au-delà de ce dossier, les avocats dénoncent une tendance plus large au sein de la justice militaire, jugée excessivement répressive. Ils estiment que ces poursuites fragilisent davantage une armée déjà éprouvée, au lieu de contribuer à son renforcement, qualifiant ces procès de « spectacles judiciaires » aux effets contre-productifs.
Après cette première étape procédurale, le tribunal militaire de garnison devra entrer dans l’examen du fond du dossier. Un rendez-vous décisif, tant pour les prévenus que pour l’image et la cohésion des forces de défense congolaises dans un contexte sécuritaire toujours instable à l’est du pays.
Thom Biakpa




