Le M23 s’est emparé de la ville de Bukavu après une progression fulgurante/ AP
En République Démocratique du Congo (RDC), la situation dans le Sud-Kivu s’est intensifiée avec l’avancée du M23 et des soldats rwandais, qui ont désormais atteint Bukavu, la capitale provinciale. Cette information a été confirmée par un porte-parole de l’armée congolaise ce dimanche matin, 16 février.
Les forces du M23 et les militaires rwandais sont présents dans plusieurs quartiers de Bukavu, notamment au poste frontière de Ruzisi 1 et dans les locaux du gouvernorat. Malgré cette occupation, des témoins rapportent que la ville semble calme, avec un retour timide des habitants dans les rues.
Cette occupation est fermement dénoncée par les autorités de Kinshasa. Le ministère de la Communication a affirmé que « Bukavu, Goma et d’autres zones occupées dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu symbolisent notre résistance ». Il a également critiqué le Rwanda pour son « entêtement à poursuivre son dessein d’occupation, de pillage et de violations des droits humains », tout en appelant à des sanctions ciblées contre le pays voisin.
Des informations sur l’entrée du M23 à Bukavu avaient déjà circulé vendredi soir, mais la situation était confuse le lendemain, avec des rapports de pillages. En début de soirée, des militaires des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) étaient de retour dans la ville, ce qui a conduit à la convocation d’un Conseil de crise par la présidence. Des tirs avaient également été entendus jusqu’à la frontière rwandaise durant la nuit.
Sur le plan humanitaire, le bilan reste incertain. Selon le chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), des blessés par balles et explosifs ont été admis à l’hôpital provincial général. L’accalmie de dimanche a permis une mission de reconnaissance en ville, où des corps sans vie ont été découverts. Les équipes de la Croix-Rouge espèrent pouvoir récupérer ces corps pour leur offrir une sépulture décente.
Un commerçant, s’exprimant anonymement pour des raisons de sécurité au micro d’un média français, a décrit la situation : « Les amis du M23 sont arrivés ce matin et ont demandé aux gens de rester chez eux pendant qu’ils sécurisent la ville. La population semble les soutenir, mais on ne sait pas ce qu’il y a dans les cœurs. On pleure de voir que les Rwandais prennent la ville. »
Inquiétudes de l’Union Africaine sur la « Balkanisation » de la RDC
Le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine, Bankole Adeoye, a exprimé des inquiétudes concernant le risque de « balkanisation » de la RDC. Il a appelé au retrait immédiat du M23 et de ses partisans des villes occupées, sans toutefois mentionner le Rwanda. « Nous sommes très inquiets face au risque d’une guerre ouverte à l’échelle régionale. Nous refusons toute tentative de balkanisation de l’est de la RDC », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’un dialogue inclusif pour mettre fin à cette crise.
Réactions du Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a également réagi, qualifiant l’entrée du M23 et des forces rwandaises à Bukavu de « violation flagrante » de la souveraineté de la RDC et d’un danger pour la stabilité régionale. Le ministère des Affaires étrangères a averti que cette escalade pourrait entraîner un conflit régional plus large, avec des conséquences humanitaires dévastatrices. Il a appelé à une cessation immédiate des hostilités et au retrait des soldats rwandais.
Calme relatif à Kinshasa
À Kinshasa, la situation est restée calme malgré des appels à perturber les cultes en réaction à une mission de consultation menée par des responsables des Églises catholique et protestante. Ces derniers ont rencontré cette semaine les leaders du M23 à Goma et le président rwandais Kagame à Kigali. Les autorités congolaises ont rappelé que les rassemblements demeurent interdits dans la ville depuis les débordements du 28 janvier.
Les forces de l’ordre ont pris des mesures pour sécuriser les cultes, et aucun incident n’a été signalé ce dimanche. La circulation était fluide, et les magasins, qui avaient fermé plus tôt la veille, étaient ouverts comme un dimanche normal.
Il est à noter que la compagnie Air France a suspendu ses vols vers Kinshasa pour le 16 et 17 février, tout en maintenant ses liaisons vers Brazzaville, sans fournir d’explications officielles.
Thom Biakpa