La justice française a condamné Roger Lumbala Tshitenga, ancien chef rebelle congolais et ex-ministre, à 30 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité commis en République démocratique du Congo entre 2002 et 2003.
Le verdict a été rendu par un tribunal de Paris, à l’issue d’un procès historique fondé sur le principe de la compétence universelle, permettant à la France de juger des crimes internationaux commis à l’étranger par un ressortissant étranger. Le parquet avait requis la réclusion criminelle à perpétuité, mais les juges ont finalement prononcé une peine de 30 ans.
Le rôle de Roger Lumbala dans l’opération « Effacer le tableau »
À l’époque des faits, Roger Lumbala dirigeait le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N), un mouvement rebelle actif dans l’est de la RDC durant la Seconde Guerre du Congo.
La cour l’a reconnu coupable d’avoir ordonné, facilité ou encouragé les crimes commis par ses troupes lors de l’opération baptisée « Effacer le tableau », menée dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu.
Selon l’accusation, cette opération ciblait délibérément des civils appartenant notamment aux communautés Nande et Bambuti, accusées de soutenir une milice rivale. Les exactions documentées incluent des viols massifs et de l’esclavage sexuel, des travaux forcés, des actes de torture et de mutilation, des exécutions sommaires, ainsi que le pillage systématique de ressources naturelles, notamment le coltan et les diamants.
Une mission d’enquête des Nations unies avait qualifié ces événements d’« opérations préméditées utilisant le viol, le pillage et les exécutions comme instruments de guerre ».
Un procès sans l’accusé
Après avoir assisté à deux audiences, Roger Lumbala avait décidé de boycotter la suite du procès, ne revenant devant la cour que pour l’énoncé du verdict.
Dès l’ouverture des débats, il avait contesté la légitimité de la juridiction française, déclarant : « Je considère que la France n’est pas compétente pour me juger. Je récuse mes avocats et refuse de comparaître devant cette cour. »
Ses avocats ont dénoncé ce qu’ils qualifient d’« acharnement judiciaire », estimant que la RDC était seule compétente pour juger ces faits. Ils ont plaidé pour une extradition vers Kinshasa, citant notamment les poursuites engagées récemment contre l’ancien président Joseph Kabila devant la Haute Cour militaire congolaise.
Une décision saluée par Denis Mukwege
La condamnation de Roger Lumbala a été largement saluée par le prix Nobel de la paix Denis Mukwege, qui y voit un tournant majeur dans la lutte contre l’impunité en RDC.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le gynécologue congolais a qualifié cette décision de « tournant historique », affirmant qu’elle « brise le cycle de l’impunité ».
Il a rendu hommage au courage des victimes, en particulier des survivantes de violences sexuelles, ainsi qu’aux témoins et aux organisations de défense des droits humains ayant contribué à l’enquête : « Malgré les pressions, leur engagement a permis que justice soit rendue. »
Pour Denis Mukwege, ce procès constitue « une première lueur d’espoir » pour les victimes des atrocités de masse commises en RDC et envoie un signal fort aux auteurs de crimes internationaux.
Il appelle cependant à aller plus loin, plaidant pour une véritable politique de justice transitionnelle, incluant la recherche de la vérité, des réparations pour les victimes et des garanties de non-répétition, notamment par une réforme en profondeur du secteur sécuritaire.
« Ce premier procès ne doit pas être le dernier, mais le début d’une avancée historique vers la justice et la fin de l’impunité pour ces crimes imprescriptibles », conclut-il.
Thom Biakpa




