Depuis trois ans, la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une crise silencieuse qui frappe au cœur de son avenir : les violences sexuelles contre les enfants connaissent une progression vertigineuse. Derrière les chiffres, ce sont des parcours brisés, des enfances interrompues et une protection défaillante que dénonce l’Unicef dans son dernier rapport.
Une explosion des cas qui ne faiblit pas
Entre janvier et septembre 2025, plus de 35 000 enfants ont été victimes de violences sexuelles recensées à travers le pays. Un chiffre déjà alarmant, mais qui reste inférieur à la réalité, selon l’Unicef. L’année précédente, près de 45 000 cas avaient été enregistrés, soit une multiplication par trois par rapport à 2022.
La majorité des agressions ne sont jamais signalées. La peur, la honte, les représailles possibles et l’insécurité constante poussent de nombreuses familles au silence, contribuant à une invisibilisation massive du phénomène.
L’Est de la RDC, foyer principal de la crise
Les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri demeurent les plus touchées. Ces territoires, riches en ressources naturelles, sont aussi parmi les plus instables du pays. Les groupes armés y imposent leur loi depuis des décennies, utilisant les violences sexuelles comme outil de terreur et de domination.
L’impunité y est quasi totale. Les auteurs sont majoritairement des groupes armés non étatiques, mais les violences dépassent largement les zones de combat. À Kinshasa et dans le Kasaï, la pauvreté extrême et la précarité sociale exposent également les enfants à des risques élevés, souvent au sein même de leur environnement proche.
Les filles paient le prix le plus lourd
Le rapport de l’Unicef met en lumière une évolution préoccupante : les filles et adolescentes sont de plus en plus ciblées. En 2024, elles représentaient près de la moitié des survivants, contre un peu plus d’un quart deux ans plus tôt.
Les adolescentes de 12 à 17 ans sont particulièrement vulnérables, mais les garçons, les enfants déplacés et ceux en situation de handicap ne sont pas épargnés. Les agressions surviennent dans des lieux ordinaires, notamment sur le chemin de l’école, lors de la collecte d’eau, ou à domicile et sont parfois commises par des personnes connues des victimes.
Quand la violence vole l’avenir
Au-delà des traumatismes physiques et psychologiques, ces violences compromettent durablement l’avenir des enfants. Beaucoup quittent l’école, soit à cause d’une grossesse, soit par crainte du rejet social. Le témoignage d’une adolescente de 16 ans, citée dans le rapport, illustre cette réalité : ses rêves professionnels se sont effondrés sous le poids du regard des autres et du silence imposé. Chaque abandon scolaire est une victoire de plus pour la violence, et une défaite pour le développement du pays.
Une réponse largement insuffisante
Face à l’ampleur de la crise, les moyens manquent cruellement. Les services de prise en charge sont difficiles d’accès, les structures de protection ferment, et les financements se réduisent. En 2025, seuls 23 % des besoins des programmes de lutte contre les violences basées sur le genre sont couverts, contre près de la moitié trois ans plus tôt.
Entre 2022 et 2024, plus de 24 000 enfants ont pu bénéficier d’un soutien grâce à l’Unicef. Mais ces efforts restent fragiles, menacés par les coupes budgétaires et l’absence d’engagement durable.
Un appel à rompre le silence
Pour l’Unicef, la situation ne peut plus être traitée comme une urgence parmi d’autres. L’agence appelle les autorités congolaises et la communauté internationale à renforcer la protection des enfants, à lutter contre l’impunité et à investir massivement dans les services de prévention et de prise en charge. Car tant que ces violences resteront omniprésentes, c’est toute une génération qui continuera de grandir dans la peur et le silence.
Thom Biakpa




