Salimata Diop, l’une des ministre sous Macky Sall, inculpée pour « détournements » de fonds Covid/ AP
Au Sénégal, la Haute Cour de justice a récemment inculpé trois anciens ministres de l’administration de Macky Sall, marquant un tournant significatif dans la lutte contre la corruption au sein des plus hautes sphères du gouvernement. Parmi eux, Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, a été inculpé pour tentative de corruption et assigné à résidence sous bracelet électronique. Il s’agit du deuxième ancien membre du gouvernement à faire face à des accusations depuis l’entrée en fonction de cette juridiction spéciale, qui a été mise en place en début d’année pour juger les présidents et ministres pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Ismaïla Madior Fall est accusé d’avoir reçu une avance de 50 millions de francs CFA (environ 76 000 euros) sur un contrat total de 250 millions de francs CFA (près de 380 000 euros) en échange de la promesse d’attribuer un marché public pour la construction d’un centre de surveillance des bracelets électroniques. Bien qu’il rejette ces accusations, il attend la décision de la commission d’instruction sur une éventuelle poursuite.
L’ancienne ministre des Mines, Aïssatou Sophie Gladima, a également été inculpée et écrouée pour un détournement présumé de 193 millions de francs CFA (environ 295 000 euros). Cette somme était destinée à la construction d’un centre pour les orpailleurs touchés par la pandémie de Covid-19, projet qui n’a jamais vu le jour.
En outre, l’ancienne ministre de la Femme, Salimata Diop, a été inculpée pour complicité de détournement de fonds alloués à la riposte anti-Covid entre 2020 et 2021. Bien qu’elle ait été placée en liberté provisoire après le versement d’une caution de 87 000 euros, elle est mise en cause dans la gestion de ce fonds, avec des irrégularités comptables signalées par la Cour des comptes, notamment des surfacturations sur l’achat de riz et de gels hydro-alcooliques destinés aux ménages défavorisés.
Ces inculpations sans précédent soulignent l’importance de la Haute Cour de justice, qui a été installée le 28 décembre 2024, et qui vise à garantir que les plus hautes autorités de l’État rendent des comptes. Cependant, des critiques émergent concernant le fonctionnement de cette institution. Moundiaye Cisse, directeur de l’ONG 3D, a salué ces avancées tout en appelant à des réformes pour aligner la justice sénégalaise sur les normes internationales en matière de droits de l’homme.
Un point de contention majeur est l’absence de possibilité d’appel des décisions de la Haute Cour de justice. Babacar Ba, du forum du justiciable, a souligné que cette situation constitue une violation du droit à un procès équitable. Il a insisté sur la nécessité d’offrir aux inculpés la possibilité de contester les décisions devant une juridiction supérieure.
Face à ces enjeux, plusieurs organisations de la société civile appellent les autorités à réviser de manière urgente la loi organique relative à la Haute Cour de justice afin de garantir un procès équitable pour tous. Ces développements marquent une étape cruciale dans la lutte contre la corruption au Sénégal et soulignent l’importance d’un système judiciaire transparent et responsable.
Thom Biakpa