Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, connu sous le nom de guerre d’Ali Kosheib, l’ex-chef de milice janjawid / L’Express
La Cour Pénale Internationale (CPI) s’apprête à rendre son jugement, ce lundi 6 octobre dans le procès d’un ancien chef de milice soudanais, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis lors de la guerre civile qui a dévasté la région du Darfour il y a près de 20 ans.
Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, mieux connu sous son pseudonyme de guerre Ali Kosheib, est jugé pour 31 chefs d’accusation, incluant meurtre, viol, torture, pillages et traitements inhumains. Le procureur de la CPI a souligné qu’Ali Kosheib, en tant que figure de proue des Janjawids, une milice arabe responsable de nombreuses atrocités au Darfour, avait activement participé aux exactions, souvent avec un zèle effrayant.
Malgré les preuves accablantes et les témoignages de nombreuses victimes, Ali Kosheib persiste à nier les accusations, affirmant qu’il n’est pas celui que la CPI cherche. Lors de son procès, il a déclaré : « Je ne suis pas Ali Kosheib. Je ne connais pas cette personne », une position qui contraste avec les révélations selon lesquelles il était le leader des Janjawids et un allié de l’ancien président soudanais Omar el-Béchir.
L’accusé, qui s’est rendu de son propre chef à la CPI en 2020 après plusieurs années de fuite, justifie cette démarche en expliquant qu’il a dû se faire passer pour Ali Kosheib, afin d’obtenir une audience. Selon lui, il craignait pour sa vie et pensait que sans cette identification erronée, il n’aurait pas été accueilli par la cour et risquait d’être exécuté par le gouvernement soudanais. « Cela faisait deux mois que j’étais caché et que je redoutais d’être capturé. J’étais désespéré », a-t-il confié.
La guerre au Darfour, qui a débuté en 2003, a fait plus de 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés selon les Nations Unies. Le conflit a éclaté après que des groupes rebelles, dénonçant une discrimination ethnique systématique à l’encontre des populations non arabes, se sont soulevés contre le régime de Khartoum, dirigé par Omar el-Béchir. En réponse, Khartoum a déployé les Janjawids, une milice composée de membres de groupes nomades arabes, qui se sont rendus responsables de massacres, de viols et de destructions massives de villages.
Les violences ont pris pour cibles principalement les civils, et non les rebelles, comme l’a rappelé le procureur de la CPI : « Les victimes étaient des innocents, des populations civiles, prises pour cible, torturées, tuées, et marquées à vie, physiquement et émotionnellement », a-t-il insisté. Le bilan humain du Darfour reste l’un des plus tragiques de la fin du XXe et du début du XXIe siècle.
Parallèlement, Omar el-Béchir, le président déchu, qui a régné d’une main de fer sur le Soudan pendant près de 30 ans, fait toujours face à des accusations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Depuis sa destitution en 2019, après des mois de manifestations populaires, il est recherché par la CPI pour son rôle dans la répression violente des révoltes au Darfour, mais aussi pour d’autres violations des droits humains durant son mandat.
Le verdict contre Ali Kosheib représente un moment crucial dans la quête de justice pour les victimes du Darfour. Si le jugement confirme sa culpabilité, il s’agira d’une avancée symbolique et juridique importante pour les victimes d’un des conflits les plus sanglants du XXIe siècle. Pour le Soudan et la communauté internationale, il envoie un message fort sur la volonté de la justice internationale de poursuivre ceux qui sont responsables d’atrocités de masse, quel que soit leur statut ou leur pouvoir.
Thom Biakpa