Dans un contexte où les médiateurs internationaux peinent à arracher un cessez-le-feu, le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, a appelé Donald Trump à intervenir davantage dans le conflit. Une démarche surprenante, puisqu’il vient dans le même temps de rejeter la dernière proposition de trêve élaborée par les partenaires de Washington.
Un appel direct à Washington
Dans une tribune publiée par le Wall Street Journal, Al-Burhane exhorte le président américain à jouer un rôle décisif pour mettre fin à une guerre qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans.
Selon lui, « le peuple soudanais se tourne maintenant vers Washington » pour ouvrir une nouvelle phase politique. Il encourage Trump à s’appuyer sur « son honnêteté » dans la gestion du dossier et à s’allier avec les acteurs régionaux « réellement engagés pour la paix ».
Sans les nommer, Al-Burhane vise clairement les Émirats arabes unis, qu’il accuse de prolonger le conflit en soutenant les Forces de soutien rapide (FSR).
Les FSR, dirigées par Mohamed Hamdane Daglo, ancien bras droit de Burhane devenu son ennemi, sont soupçonnées de recevoir des armes, du carburant et des combattants en provenance d’Abou Dhabi — ce que les Émirats démentent catégoriquement, malgré plusieurs enquêtes internationales pointant leur rôle.
Une trêve rejetée et des médiateurs jugés « partiaux »
Quelques jours avant son appel à Trump, le chef de l’armée soudanaise avait violemment rejeté la nouvelle proposition de cessez-le-feu émise par le « Quad », un groupe réunissant les États-Unis, les Émirats, l’Arabie saoudite et l’Égypte.
Il juge l’initiative « inacceptable », voire « la pire à ce jour », estimant que la présence des Émirats dans le groupe de médiation la rend « partiale ».
Washington défend pourtant cette proposition comme une étape indispensable à la reprise du dialogue entre les belligérants et à une éventuelle transition vers un pouvoir civil. Depuis Abou Dhabi, Massad Boulos, envoyé spécial du président américain pour l’Afrique, a rappelé que les deux camps devaient accepter le cessez-le-feu « sans conditions préalables ».
Dans sa tribune, Al-Burhane affirme quant à lui qu’il ne peut y avoir de neutralité : il s’agit de soutenir « un État souverain qui protège sa population » face à une « milice génocidaire », en référence aux FSR, déjà accusées de multiples exactions par des ONG.
Un conflit marqué par les atrocités et une crise humanitaire sans précédent
Sur le terrain, la situation humanitaire continue de se dégrader. L’ONU décrit désormais le conflit soudanais comme la « pire crise humanitaire au monde ». Les combats, entamés en avril 2023, ont fait des dizaines de milliers de morts et provoqué l’exode de millions de personnes.
Amnesty International a dénoncé mardi des « crimes de guerre » commis par les FSR lors de la prise d’El-Fasher fin octobre : exécutions sommaires, viols et autres violences extrêmes, rapportées par des survivants.
La veille, le chef des FSR avait annoncé une trêve humanitaire de trois mois, mais les combats n’ont nullement cessé.
Mardi, l’armée soudanaise affirmait avoir repoussé une attaque des paramilitaires contre une base d’infanterie à Babanusa, au Kordofan, prétendant avoir tué plusieurs responsables des FSR ainsi que « des centaines de mercenaires ». Ces affirmations restent impossibles à vérifier en raison des coupures de communication dans la région.
Des efforts diplomatiques sans impact durable
Malgré les pressions internationales et l’implication renouvelée des États-Unis, toutes les tentatives de cessez-le-feu ont été violées par l’un ou l’autre camp, souvent quelques heures seulement après leur entrée en vigueur.
Deux ans après le début du conflit, les perspectives d’un règlement politique demeurent plus lointaines que jamais.
L’appel d’Al-Burhane à Donald Trump reflète un repositionnement stratégique, mais ne change pour l’instant rien à la réalité du terrain : un pays déchiré, une médiation internationale enlisée et une population confrontée à une catastrophe humanitaire majeure.
Thom Biakpa




