La présidente élue Samia Suluhu Hassan a prêté serment ce lundi 3 novembre à Dodoma, la capitale politique de la Tanzanie, au terme d’un scrutin présidentiel vivement contesté.
Contrairement aux précédentes investitures, la cérémonie s’est déroulée à huis clos, sans public, dans un espace militaire plutôt que dans un stade. Selon la télévision publique, les tribunes étaient remplies de militaires, dans un décor austère où quelques podiums tentaient de dissimuler le vide ambiant.
Une victoire écrasante mais controversée
D’après la commission électorale, Samia Suluhu Hassan aurait remporté 97,66 % des suffrages, un résultat dénoncé par l’opposition comme une « parodie de démocratie » et « un hold-up électoral ».
Les deux principaux rivaux politiques avaient été neutralisés avant le vote : Tundu Lissu, chef du parti Chadema, a été emprisonné et inculpé de trahison, un crime passible de la peine de mort , tandis que Luhaga Mpina, candidat du parti ACT Wazalendo, a été disqualifié.
L’opposition affirme que de nombreuses irrégularités ont entaché le scrutin, aussi bien dans le dépouillement que dans le taux de participation. La commission électorale évoque un taux de participation de 87 %, un chiffre démenti par les observateurs et les médias internationaux, qui ont constaté une faible affluence dans les bureaux de vote.
Des violences meurtrières après le scrutin
La semaine précédant l’investiture a été marquée par une répression sanglante des manifestations dénonçant la victoire du pouvoir sortant.
Selon Chadema, au moins 700 manifestants ont été tués en trois jours, un bilan que des sources sécuritaires et diplomatiques jugent « crédible », certaines évoquant même jusqu’à un millier de morts.
Les autorités, de leur côté, nient toute violence.
« Il n’y a eu aucun usage excessif de la force. Je n’ai pas vu ces 700 morts », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Thabit Kombo.
La coupure d’internet, imposée depuis plusieurs jours, empêche la circulation d’informations et, selon certaines sources, servirait à traquer les membres de l’opposition détenant des preuves vidéo des exactions.
Les écoles et les transports publics demeurent fermés, tandis que Dar es Salaam et les principales villes du pays connaissent un calme précaire.
Condamnations internationales et inquiétudes croissantes
La communauté internationale s’inquiète du climat de terreur qui entoure la transition politique.
Le pape Léon XIV, lors de la prière dominicale, a évoqué « les nombreuses victimes des affrontements post-électoraux » et dit prier « pour la paix en Tanzanie ».
De son côté, Amnesty International a dénoncé une « vague de terreur » précédant le vote, marquée par des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des actes de torture et même des exécutions extrajudiciaires.
D’un espoir d’ouverture à une présidence autoritaire
Première femme à diriger la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan avait accédé au pouvoir en 2021 après la mort de John Magufuli, son mentor.
Saluée à ses débuts pour avoir assoupli certaines restrictions imposées par son prédécesseur, elle est aujourd’hui accusée d’avoir resserré son emprise sur le pays et d’avoir muselé l’opposition à l’approche du scrutin.
Alors qu’elle s’apprête à entamer un nouveau mandat, la Tanzanie, plongée dans un silence imposé, retient son souffle entre promesse de stabilité et peur d’un régime de plus en plus autoritaire.




