Au Togo l’accès à Internet a été fortement ralenti depuis plusieurs jours/ J.A
Au Togo, les récentes restrictions d’accès à Internet et les ralentissements des réseaux sociaux suscitent de vives inquiétudes au sein de la Ligue des consommateurs. Ce phénomène, observé depuis le 26 juin, coïncide avec le début de trois jours de manifestations contre le régime de Faure Gnassingbé. Face à cette situation, plusieurs organisations de la société civile et de défense des droits humains expriment leur préoccupation et interpellent la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Dans un communiqué publié mercredi, la Ligue des consommateurs du Togo a dénoncé ces restrictions comme une atteinte à la liberté d’expression, un obstacle pour les citoyens désireux de s’informer, et un facteur de conséquences économiques néfastes. L’organisation « Internet sans frontières » a également fait appel à deux partenaires techniques qui ont confirmé les restrictions d’accès à plusieurs réseaux sociaux durant les manifestations, ainsi qu’un ralentissement significatif du flux Internet de deux opérateurs, un phénomène qui perdure encore aujourd’hui.
Qemal Affagnon, responsable de la section Afrique de l’Ouest d’Internet sans frontières et co-auteur d’un ouvrage sur les coupures Internet en Afrique, a déclaré : « Il est regrettable que les autorités togolaises recourent à de telles coupures, considérées comme des mesures de maintien de l’ordre. L’accès à Internet est aujourd’hui reconnu comme un outil essentiel pour la réalisation d’un large éventail de droits humains, tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Malheureusement, le Togo s’inscrit dans une logique récidiviste, ayant déjà été condamné en 2020 par la Cour de justice de la CEDEAO pour avoir violé le droit à la liberté d’expression lors des manifestations de 2017. Aujourd’hui, le gouvernement enfreint à nouveau ce droit, malgré les recommandations de la Cour, ce qui soulève de sérieuses questions. »
En 2017, des manifestations massives avaient eu lieu contre une modification constitutionnelle permettant à Faure Gnassingbé de prolonger son mandat. Pour réprimer ces mouvements, les autorités avaient coupé l’accès à Internet à deux reprises. En décembre 2018, sept ONG avaient saisi la Cour de justice pour dénoncer cette violation de la liberté d’expression.
La situation suscite également l’inquiétude des sociétés civiles ouest-africaines, qui interpellent la CEDEAO. Dans une déclaration conjointe, une quarantaine d’organisations, dont AfricTivistes, Togo Debout et Tournons la Page, appellent la CEDEAO à abandonner son « positionnement neutre » face aux événements en cours au Togo. Elles estiment que la CEDEAO porte une lourde responsabilité historique dans la crise sociopolitique actuelle et lui demandent de « prendre ses responsabilités ».
Amnesty International, pour sa part, a appelé les autorités togolaises à « mettre fin au recours excessif à la force contre les manifestants », que le gouvernement de Lomé considère comme illégaux. L’organisation demande également des enquêtes indépendantes urgentes pour faire la lumière sur les personnes décédées et disparues. Selon Amnesty, au moins sept personnes ont perdu la vie, et mercredi, six d’entre elles n’avaient toujours pas été retrouvées par leurs proches.
Cette situation au Togo soulève des préoccupations majeures quant au respect des droits humains et à la liberté d’expression, des valeurs fondamentales qui devraient être protégées dans toute démocratie. Les appels à l’action de la société civile et des organisations internationales soulignent l’urgence d’une réponse appropriée face à ces violations.
Thom Biakpa