La liquidité se fait de plus en plus rare dans les banques en Guinée. / Eco finance Guinée
Depuis plusieurs semaines, la Guinée traverse une grave crise de liquidités qui affecte tant les consommateurs que les entreprises. Les banques ont imposé des plafonds sur les retraits, rendant difficile l’accès aux fonds nécessaires pour mener à bien des transactions. Cette situation met à mal une économie déjà faiblement bancarisée, et les commerçants ainsi que les cambistes, agents de change, se retrouvent dans l’incapacité d’effectuer leurs opérations habituelles.
Un cambiste à Kaloum, le centre administratif de Conakry, témoigne des difficultés rencontrées. Habitué à échanger d’importantes sommes en euros ou en dollars avec des voyageurs, il se heurte désormais à des obstacles majeurs pour accéder aux francs guinéens. « On a des difficultés avec le franc guinéen contre la devise. Si on dépose un chèque de 2 milliards 500, on n’arrive pas à obtenir 50 millions ; on ne nous propose que 30 millions. C’est peu, on ne peut pas travailler avec ça », explique-t-il, visiblement frustré par la situation.
Les autorités guinéennes ont été discrètes dans leur communication concernant cette crise. Cependant, le Premier ministre Bah Oury a tenté d’apporter des éclaircissements lors d’une déclaration le 20 juin. Selon lui, la pénurie de billets serait le résultat du dynamisme de l’économie guinéenne, qui a enregistré un taux de croissance avoisinant les 7 % en 2024, malgré un début d’année difficile. Il a souligné que dans ce contexte, la monnaie fiduciaire pourrait ne pas suffire à répondre aux besoins économiques du pays.
Pour remédier à cette crise, le Premier ministre a annoncé que l’administration devait cesser les paiements en espèces pour les salaires et autres dépenses, favorisant ainsi les virements bancaires. Il a également averti que la Banque centrale ne devait pas « faire tourner la planche à billets », de peur de compromettre l’économie.
L’analyste financier Bella Bah, quant à lui, conteste l’idée que la forte croissance économique soit à l’origine de cette crise. Il attribue plutôt la pénurie de liquidités à une crise de confiance entre la Banque centrale et les banques commerciales. « L’une des causes fondamentales de cette crise de liquidités, c’est le marché interbancaire. Aujourd’hui, la majorité des banques primaires ne font plus de dépôts à la Banque centrale, car l’accès à leurs dépôts est problématique. De plus, la Banque centrale facture 1 % sur tous les retraits en dollars et en euros », explique-t-il. Selon lui, le blocage du marché interbancaire est dû à un manque de rôle actif de la Banque centrale.
Interrogée sur cette pénurie, la Banque centrale n’a pas souhaité faire de commentaires. La situation reste préoccupante pour les acteurs économiques guinéens, qui espèrent une résolution rapide de cette crise afin de retrouver un fonctionnement normal.
Thom Biakpa