Le chef de la junte burkinabé ne serait plus en odeur de sainteté avec plusieurs de ses frères d’armes / Photo: Reuters
Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte militaire et président de la transition au Burkina Faso, a-t-il perdu la confiance de ses frères d’armes ? La question est sur toutes les lèvres depuis quelques semaines, tant au Pays des Hommes Intègres que dans le milieu des analystes politiques très au fait de l’actualité burkinabè.
Une chose est sûre, les événements récents survenus à Ouagadougou laissent entrevoir des signes de malaise entre l’homme fort du Burkina Faso et certains corps de l’armée. On se souvient qu’un échange de tirs autour de la présidence, survenu le 17 mai dernier et attribué à un mouvement d’humeur des militaires, avait suscité de nombreuses interrogations parmi la population. L’inquiétude s’est davantage accrue le 12 juin, lorsqu’une roquette a explosé à proximité de la présidence sur un bâtiment de la télévision nationale. Les médias proches de la junte se sont empressés de rassurer en évoquant « un incident de tir » qui n’aurait causé que « deux blessés légers, rapidement pris en charge par le service de santé de la présidence ».
Cependant, il s’agissait en réalité d’une altercation entre éléments de la garde rapprochée du capitaine Ibrahim Traoré, au sein même du palais. Alors que le chef de la junte présidait un conseil des ministres, des dissensions ont éclaté entre soldats en poste dans la cour, entraînant un tir de roquette. Le président de la transition a été exfiltré de la présidence en urgence, avant que l’armée ne soit mise en alerte. Des sources affirment qu’une partie des militaires, majoritairement jeunes, se sont en réalité rebellés contre l’autorité du capitaine Traoré, l’accusant de favoritisme envers des éléments qui lui sont proches.
Un jour avant cet incident, le 11 juin 2024, à Mansila au nord-est du pays, des médias occidentaux rapportaient une attaque djihadiste qui aurait fait de nombreuses victimes parmi les militaires et les civils. Certains canaux d’informations évoquaient jusqu’à 120 victimes dans les rangs des forces de sécurité. Cependant, les autorités ont préféré garder le silence sur cette situation, au grand désarroi des Burkinabè qui espéraient en savoir plus.
Selon des observateurs de la vie socio-politique burkinabè, l’attaque de Mansila est le déclencheur de cette fronde observée chez les forces de sécurité, qui n’acceptent pas de voir mourir leurs frères d’armes sans réaction de la part du pouvoir. Pour éviter de subir le même sort que ses prédécesseurs, Rock Marc Christian Kaboré et le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, le capitaine Traoré a tenté d’envoyer des unités militaires en renfort à Mansila pour récupérer les corps des soldats et reconquérir la base militaire, passée sous contrôle du GSIM. Plusieurs sources affirment toutefois que les militaires ont refusé de s’y rendre, symptôme de la défiance qui a gagné plusieurs casernes, du nord au sud du pays.
C’est certainement pour contrer cette défiance manifeste que le chef de la junte a fait débarquer à Ouagadougou, mardi, entre 80 et 120 soldats maliens et supplétifs russes de Wagner, envoyés par Bamako en signe de solidarité pour soutenir le capitaine Ibrahim Traoré, dont le pouvoir semble de plus en plus fragile et fébrile.
Pour preuve, le conseil des ministres qui devait se tenir le mercredi 19 juin n’a pas eu lieu. Le président de la transition est de moins en moins visible. Depuis qu’il s’est brièvement montré à la télévision le dimanche 16 juin dernier, à l’occasion de la fête musulmane de la Tabaski, il n’est plus réapparu. Cette situation soulève de sérieuses questions sur le sort du capitaine Ibrahim Traoré
Thom Biakpa