Robert Bourgi, grand acteur de la Françafrique / Photo: France 24
L’avocat Robert Bourgi, né le 4 avril 1945 à Dakar, est un conseiller politique franco-libanais. Spécialiste des questions africaines, il est surtout connu comme étant le représentant de la Françafrique. Il aura incarné pendant trente ans, les relations entre l’Hexagone et ses anciennes colonies subsahariennes, en héritier du mythique et gaulliste Jacques Foccart.
Il a publié il y a quelques jours, ses mémoires sous le titre, “ Ils savent que je sais tout, ma vie en Françafrique”, paru aux éditions Max Milo. Au micro du confrère RFI, Robert Bourgi témoigne d’abord sur l’attitude qu’a eu Jacques Foccart, le conseiller Afrique des dirigeants français, dans les mois qui ont précédé l’attentat contre le capitaine Sankara, mais également sur les transferts de fonds gabonais envers Jacques Chirac dont Robert Bourgi était responsable.
Sur le dossier concernant le bombardement du camp militaire français de Bouaké, ville du centre de la Côte d’Ivoire en novembre 2004, au plus fort de la rébellion qui a coûté la vie à 9 soldats français, l’avocat franco-libanais a déclaré: “ Vraiment, j’ignore tout de cet épisode. Mais, je me suis retrouvé avec Laurent un soir au moment de ce tragique événement. Et Dominique de Villepin (qui a été successivement ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur et Premier ministre, sous Jacques Chirac, NDLR) m’avait dit : « Essayez de savoir s’il y a du Laurent Gbagbo dans cette affaire. » Et je lui dis : « Laurent, vraiment, es-tu mêlé de près ou de loin ? ». Il dit : « Je t’assure Robert, dis à Dominique, de ma part, que je ne suis en rien mêlé à cette affaire. » Laissant entendre à un moment donné de la conversation : « Mais, il n’est pas impossible que l’entourage de Simone [qui était alors l’épouse de Laurent Gbagbo et Première dame du pays, NDLR] soit mêlé ». Cette phrase, il me l’a prononcée. Il a dit ça. Je ne sais pas à qui il faisait allusion. Est-ce que c’est l’officier SékaSéka, comme on l’appelait ? Je ne sais pas”, a-t-il révélé.
S’agissant de l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, Robert Bourgi a encore révélé : “ Je ne sais pas quels sont les sentiments qui ont animé Blaise Compaoré, je les ignore. Mais ce que je puis vous dire, c’est queMonsieur Foccart, tout puissant conseiller Afrique de Monsieur Chirac, m’avait dit, car il me savait proche de Thomas : « Faites savoir à Thomas d’être très prudent. » Je dis : « Qu’est-ce que ça veut dire, doyen ? Il me dit : « Il est en danger et ça peut venir du plus près. » À ce moment-là, il y a eu un deuil dans ma famille. Et Thomas, l’ayant appris, m’appelle et il me présente ses condoléances. Je lui dis : « Thomas, ça tombe bien, le vieux m’a dit qu’il fallait que tu sois très prudent. Le coup peut venir du plus proche de toi. ». Il me dit : « Remercie le vieux de ma part. » C’était un nom de code pour Foccart. « Je vais être prudent. » Il est arrivé ce que vous savez [assassinat le 15 octobre 1987 à Ouagadougou, NDLR].
Poursuivant, il a en outre, levé un coin de voile sue le rôle joué par Feu Félix Houphouet Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire, dans l’élimination de Thomas Sankara. “ Je pense qu’il a été très actif par la grâce, si je puis dire, de Chantal, (l’épouse de Blaise Compaoré, d’origine ivoirienne, ndlr).“Exactement, elle était la fille d’un administrateur des colonies qui était très proche du président Félix Houphouët-Boigny. Et ce que n’a pas supporté Houphouët-Boigny, c’est que lorsque Thomas allait le voir, il avait toujours le pétard [un pistolet, NDLR] et il avait refusé de venir en tenue civile. Le courant ne passait pas entre eux”.
L’avocat Franco-libanais dit être certain que la Côte d’Ivoire a joué un rôle dans l’assassinat du capitaine Thomas Sankara.
Robert Bourgi s’est par ailleurs, prononcé sur la situation au Gabon avec l’arrivée au pouvoir du général Brice Oligui N’guéma. Je puis vous dire, connaissant Brice Clotaire Oligui Nguema, l’actuel président du Gabon. Je connais Brice depuis 25 ans, c’est un homme d’autorité, un homme de caractère. Je ne pense pas que quelqu’un ait pu lui susurrer à l’oreille qu’il fallait faire un coup d’État. Nous avons passé, lui et moi, un peu plus de deux heures ensemble à Dakar. Il m’a dit : « Comment vois-tu les choses, grand frère ? » Je lui ai dit : « Écoute, fais souffler un air de démocratie dans ton pays comme tu le fais, et essaie de te dégager du reproche qu’on pourrait te faire, que c’est la famille Bongo qui continue. » Et je crois que c’est ce qu’il est en train de faire. Et il ne m’étonnerait pas qu’il soit candidat à la présidentielle si y en a une”, a-t-il indiqué.
Thom Biakpa
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