Avec 90,35 % des suffrages exprimés, Brice Clotaire Oligui Nguema remporte l’élection présidentielle du 12 avril au Gabon/ AFP
Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la transition militaire au Gabon depuis le renversement d’Ali Bongo le 30 août 2023, a été élu président du pays pour un mandat de sept ans. Selon les résultats globaux provisoires publiés par le ministère de l’Intérieur le 13 avril, il a obtenu un impressionnant 90,35 % des voix. Cette élection marque une consécration pour cet ancien militaire, qui, bien qu’ayant été formé au sein du système Bongo, a promis de rompre avec les pratiques du passé tout en s’inscrivant dans une continuité complexe.
Jean-Boniface Asselé, un proche de la famille Asselé-Dabany, se souvient de Brice Clotaire Oligui Nguema comme d’un jeune homme déterminé, qui n’aimait pas perdre au ballon, un trait révélateur de son caractère. Asselé, patriarche et ancien chef de la police sous Omar Bongo, a vu grandir Oligui Nguema dans le Haut-Ogooué, la province d’origine des Bongo, où il a été élevé dans un environnement qui a façonné son parcours.
Né en 1975 à Ngouoni, à proximité de Franceville, Oligui Nguema est issu d’une famille militaire. Son père, Fang du nord, et sa mère, téké, l’ont élevé dans un cadre qui lui a permis d’accéder à une carrière militaire prometteuse. Éduqué dans les écoles gabonaises, il a obtenu son baccalauréat à Port-Gentil avant de poursuivre ses études à Masuku, à Franceville. Sa jeunesse a été marquée par le soutien du général André Oyini, un proche d’Omar Bongo, qui a joué un rôle clé dans son ascension.
De l’ombre d’Omar Bongo à la présidence
Après avoir été formé à l’Académie royale militaire de Meknès au Maroc, Oligui Nguema entre au service d’Omar Bongo, d’abord comme aide de camp, puis comme protecteur. Il accompagne le président durant les huit dernières années de sa vie, partageant même son chevet à Barcelone en 2009. Bien que certains aient méprisé son rôle de « porteur de valise », ils ont sous-estimé sa force de caractère.
Après la mort d’Omar Bongo, Oligui Nguema connaît une période de recul, travaillant comme attaché militaire au Maroc puis au Sénégal. Cette distance lui permet d’éviter la répression violente qui a suivi les élections de 2016, lorsque les militaires ont ouvert le feu sur des manifestants pour maintenir Ali Bongo au pouvoir.
En 2018, après un AVC d’Ali Bongo, la situation politique devient instable. En janvier 2019, un coup d’État avorté conduit à son retour à Libreville, où il prend la tête des services de renseignement de la Garde républicaine. Alors que la présidence est secouée par des purges internes, Oligui Nguema se positionne comme un acteur clé jusqu’au coup d’État du 30 août 2023, qui met fin à la présidence d’Ali Bongo.
Un nouveau départ ou une continuité déguisée ?
Les militaires justifient leur coup d’État en affirmant vouloir « libérer les Gabonais » d’un système en déclin. Cependant, des sources affirment qu’Oligui Nguema était également motivé par le mépris qu’il ressentait envers les jeunes arrivistes qui entouraient le président déchu. Après avoir pris le pouvoir, il promet de rendre la dignité aux Gabonais et de transférer le pouvoir aux civils, mais ses intentions deviennent rapidement suspectes.
Lors d’un discours d’intronisation le 4 septembre 2023, il annonce des réformes, mais la charte de transition qu’il met en place exclut la plupart des figures politiques établies, à l’exception de lui-même. Le grand dialogue organisé en 2024 aboutit à des conditions restrictives pour les élections, renforçant l’idée d’une « gabonité » dans une Constitution ultra-présidentialiste.
Oligui Nguema, fort de sa popularité, réussit à rassembler autour de lui des figures de l’ancien régime, des opposants et des membres de la société civile, créant une coalition hétéroclite. Son image de « libérateur » et de « bâtisseur » est soigneusement cultivée, malgré les défis quotidiens auxquels il fait face. Il s’engage dans des projets ambitieux, tels que la réouverture de la compagnie aérienne nationale, la radio Africa n°1 et la construction d’infrastructures majeures.
Un culte de la personnalité en gestation
Oligui Nguema maîtrise l’art de la symbolique, se montrant proche du peuple en participant à des activités communautaires et en renonçant à son salaire présidentiel. Il s’efforce de se présenter comme un homme du peuple, tout en s’entourant d’anciens barons du régime, ce qui suscite des critiques. Les accusations de corruption et de biens mal acquis pèsent également sur lui, alors que des enquêtes révèlent des transactions douteuses aux États-Unis.
Les questions demeurent quant à la viabilité de son régime ultra-présidentiel. Les promesses de relance économique et de développement social seront-elles tenues ? Oligui Nguema se positionne comme le « Josué » du Gabon, promettant de guider le pays vers un avenir meilleur. En entrant au palais du bord de mer, il abandonne l’uniforme militaire pour le costume-cravate, conscient qu’il n’aura pas de filet de sécurité en cas d’échec.
Avec un mandat renouvelable de sept ans, il déclare : « Sur sept ans, on a le temps de tout résoudre. Après sept ans, si rien n’est fait, chassez-moi ». Cette déclaration résume son ambition et son engagement à transformer le Gabon, tout en laissant planer l’ombre d’un régime qui pourrait bien perpétuer les dynamiques du passé.
Thom Biakpa
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