Photo Ludovic MARIN / AFP
Le Togo vient de tirer un trait sur le régime présidentiel. Le pays s’est doté d’une nouvelle constitution qui le fait passer désormais du régime présidentiel au régime parlementaire. Le texte de loi proposé par un groupe de députés en majorité issus du parti UNIR au pouvoir, a été adopté dans la nuit de lundi 25 à mardi 26 mars 2024.
89 députés ont voté pour, une contre et une abstention. L’adoption de ce nouveau dispositif intervient à quelques semaines seulement des prochaines législatives.
Les dispositions pratiques de cette nouvelle loi indiquent clairement que dorénavant, au pays dirigé par Faure Gnassingbé, il n’y aura plus d’élection présidentielle. Le président sera élu par les députés et sénateurs réunis en Congrès, pour un mandat unique de six ans. Toutefois, son rôle deviendra alors symbolique.
Par ailleurs, la pleine autorité sera exercée par un président du Conseil des ministres, désigné pour six ans. C’est cette personnalité qui va gérer les affaires du gouvernement et représentera le pays à l’extérieur. Dans la pratique, c’est le chef du parti politique vainqueur des législatives qui a la légitimité pour occuper cette fonction pour un mandat de six ans.
Désormais adoptée, la nouvelle Constitution selon la loi, doit être promulguée dans les 15 prochains jours en remplacement du texte actuellement en vigueur, adopté par référendum en 1992 et modifié depuis à trois reprises.
Le Togo entre ainsi dans la 5e République avec un nouveau régime alors que les prochaines élections législatives, sont prévues pour le 20 avril prochain.
Du côté du pouvoir, l’on salue un changement qui vient mettre fin à un régime présidentiel qui avait le pouvoir sur tout. Cette verticalité du pouvoir qui concentre tout dans les mains d’un individu, selon les adeptes de cette nouvelle loi, ne favorise pas l’expression réelle de la démocratie. Or, le régime parlementaire est plus ouvert au débat, socle de toute démocratie.
En revanche, pour l’opposition politique, ce changement n’est rien d’autre qu’une stratégie montée de toutes pièces par le pouvoir pour éviter la limitation des mandats et permettre ainsi à l’actuel président Faure Gnassingbé de s’éterniser à la tête de l’Etat togolais.
Pour le porte-parole du mouvement citoyen Togo Debout, David Dosseh, l’adoption de cette loi par le parlement est » un coup de force et un coup d’État constitutionnel ». Il soutient qu’avec cette nouvelle loi fondamentale, il n’y aura ni des élections présidentielles, ni de limite de mandat pour le chef de l’exécutif.
» Avec cette loi, le président peut très bien devenir président du Conseil et ainsi éviter la limitation des mandats. Donc ce sont des modifications qui permettent au régime en place de se perpétuer indéfiniment », soutient-il. D’ailleurs, avant la tenue des législatives, le mouvement Togo Debout prévoit d’organiser une série d’actions pour protester contre ce régime.
Dans la même veine, les évêques catholiques du Togo dans une déclaration commune, ont dénoncé l’adoption de la nouvelle Constitution. Ils s’interrogent sur l’opportunité ou non d’une telle modification, le moment choisi et la procédure adoptée. Alors qu’ils espéraient pouvoir en discuter avec le président de la République, la loi est passée du côté du parlement comme lettre à la poste.
Ils appellent désormais le président Faure Gnassingbé à surseoir sa promulgation et débuter un dialogue inclusif, dans une déclaration lue par le Rév. Père Emile Ségbédji, porte-parole de la conférence des évêques du Togo.
Interrogé.sur la situation par le confrère RFI, Maitrr Jean Yaovi Dégli, avocat et président du mouvement de la société civile Bâtir le Togo, a lui aussi fustigé cette nouvelle Constitution qui dit-il, n’apportera pas de pouvoir supplémentaire au peuple. D’après son analyse, » la Constitution actuelle ne créait aucun problème qui puisse nécessiter qu’on passe du régime présidentiel ou semi-présidentiel à la française, tel qu’on avait, à un régime parlementaire ».
En attendant sa promulgation dans 15 jours, cette nouvelle depuis son adoption dans la nuit du lundi 25 au mardi 26 mars 2024 par le parlement togolais, ne finit plus de faire couler ancres et salives.
Thom Biakpa